Partie 5 - Tuer une animal est-il un meurtre ? 

Plan de la partie 5 :    

Retour vers le plan général


 

20 / 26 - Tuer un animal est-il un meurtre ?

Passons maintenant à la dernière partie avant la conclusion. Cette partie se demande pourquoi le fait de tuer un animal est considéré comme un acte banal et pas un meurtre..


21 / 26 - Tuer un animal : un acte anodin ?

Notons d'abord un point au sujet de la mort des animaux que nous utilisons. Nous avons vu qu'une des principales façons de réduire l'animal, c'est de le considérer uniquement par rapport à l'utilité qu'il a pour nous. Une conséquence de cette vision, c'est de penser que l'animal n'a pas d'autre valeur que celle que lui attribue l'utilisation qu'on fait de lui. Mais aucune valeur en tant qu'individu. Si l'animal n'a plus d'utilité pour l'homme, alors il n'a plus de valeur ; on peut alors le tuer.

Dans le cas où l' utilité qu'il a pour nous c'est d'être une machine à produire, à produire de la viande par exemple, une conséquence de cette vision réduite de l'animal, c'est que le fait de le tuer, ce n'est plus vraiment le tuer, c'est simplement une étape normale, nécessaire, programmée, du processus de production dans lequel nous l'avons enrôlé. Il va de soi que dans ce mode de pensée, puisque la raison d'être de l'animal est, par exemple, de produire de la viande, lorsque la viande est produite, il faut bien la prendre, comme on récolte du blé ou cueille un fruit. Dans cette vision, le laisser vivre sa vie alors que sa viande est prêt à être mangée, ce serait aussi absurde que de laisser un fruit mûr sur un arbre sans le cueillir. Considérant que sa raison d'être est de produire de la viande, on en vient presque à penser qu'il est comme destiné à être tué pour que l'on puisse prendre cette viande. Du coup, cela aide aussi à déculpabiliser tout le monde (éleveur, conducteur de bétaillère, employé d'abattoir, etc.) face au fait de tuer l'animal. C'est presque comme si personne ne prenait vraiment la décision de le tuer ; c'est presque l'animal qui, comme un fruit qui devient mûr, nous indique qu'il est temps de le cueillir.

A titre d'illustration, voici la photo d'une nouvelle machine, l'OptiFom, qui est proposée actuellement dans des salons de professionnels de l'élevage de cochons. Le principe est que le cochon, sans sortir du box où il est enfermé pour être engraissé, passe en permanence sans s'en rendre compte sous des capteurs placés au plafond. Un ordinateur détermine alors son poids à 1 kg près, ainsi que sa conformation, en particulier l'état du lard dorsal, l'épaisseur du lard par rapport au muscle, et avec ces données là l'ordinateur détermine automatiquement le moment où il doit être envoyé à l'abattoir. Sur un écran informatique s'affiche la liste de tous les cochons surveillés, ou du moins leur numéro d'identification puisqu'ils n'ont plus de nom dans les élevages modernes, et lorsque l'un d'entre eux passe le seuil fatidique, alors son numéro change de couleur sur l'écran. Ce qui est assez étonnant, c'est que c'est au moment où l'animal est en train de s'alimenter, puisqu'il prend un peu de poids à ce moment-là, qu'au même instant son poids mesuré s'accroît légèrement, il dépasse alors le seuil, et ainsi une couleur s'allume sur un écran qui signifie "ça y est, la viande est prête à être cueillie, tu dois donc être tué".

Ce qui décide du moment où l'animal va être tué, ce sont donc uniquement des facteurs liés à son statut de machine de production, et évidemment pas d'être sensible. Si c'est une machine à produire de la viande, c'est lorsque que la quantité et qualité optimale de viande a été produite. Lorsque c'est une machine à produire des œufs ou du lait, c'est lorsque ses performances de production commence à décliner, que le nombre d'œufs ou de litre de laits produits commence à diminuer, et qu'il est alors économiquement plus rentable de mettre la machine à la casse et de la remplacer par une moins usée et donc plus productive.

Voici ce qu'on dit par exemple des verrats, c'est-à-dire des cochons destinés à la reproduction, dans le numéro 84 de mars 2003 de 'Porc Magazine', page 84. Un verrat, pardonnez moi l'expression mais c'est vraiment cela, est considéré comme une machine à produire du sperme. Au moment de leur arrivée dans un élevage, il nous est dit qu'il ne faut pas les brusquer, "surtout il faut rester calme et faire preuve de patience", non pas parce que cela leur serait préjudiciable, mais parce que "sinon on risque de les 'casser' avant même de s'en servir" autrement dit le verrat risque de ne plus vouloir monter de truies (réelles ou artificielles) par la suite, et que l'investissement dans le verrat aurait donc été fait à perte. Page 83, dans un centre qui produit des doses de sperme pour les inséminations artificielles, on nous explique que l'on teste les performances des jeunes cochons males destinés à devenir verrats. A l'issue de la première phase de test effectuée lorsqu'ils ont 6 mois environ, "on sait déjà quels animaux feront carrière et quels animaux seront réformés précocement. […] Ce taux de réforme avoisine les 12%. Les motifs ? Refus de monte (pour l'essentiel) et qualité de semence insuffisante. Plus tard, il faudra ajouter les problèmes d'aplombs et le critère "génétique dépassée", en raison de l'arrivée de la nouvelle génération de verrassons. Ainsi, l'un dans l'autre, le temps de présence des verrats de production n'excède généralement pas 10 mois dans un centre de collecte". Autrement dit, quand on a bien usé la machine et que ses performances commencent à baisser, c'est-à-dire par exemple si la qualité de son sperme a le malheur de décliner, ou même simplement si un nouveau modèle de porc plus performant vient de sortir, alors on le remercie en le chargeant de force dans un camion et on l'envoie à l'abattoir. Cela dit, c'est peut être un moindre mal pour lui lorsque l'on voit dans quelles conditions ces verrats vivent, "logés en stalles ou en cases individuelles" comme le dit la légende de cette photo ; c'est-à-dire, traduit en français, enfermés toute leur vie dans une cage si petite qu'il ne peuvent même pas se retourner.

Pour ne pas risquer de 'casser' le verrat, le numéro 83 de février 2003 de 'Porc Magazine' nous montre, page 57, une nouvelle machine qui évite de se battre avec le verrat pour le faire avancer lorsqu'il n'en a pas envie, ce qui est toujours un peu dangereux lorsqu'il devient agressif d'être ainsi contraint à bouger de force. Et cela prend du temps, ressource qui manque de plus en plus dans les élevages pour soutenir la compétition, surtout avec de plus en plus de salariés qui y travaillent aux 35 heures. La solution, au lieu de se battre avec le verrat pour le faire avancer, c'est de le mettre dans une cage qui se déplace toute seule, pilotée par une télécommande. Ainsi nous dit-on, "le verrat est toujours là où il faut, quand il faut et le temps qu'il faut" (en l'occurrence pour le faire passer devant les truies pour détecter lesquelles sont en chaleurs et que l'on peut donc inséminer) sous-entendu, "qu'il le veuille ou non".

 

Nous avons vu que le terme précis employé lorsque la machine n'est plus assez productive et qu'on s'en débarrasse, c'est le terme de "réforme", "être réformé", comme on disait dans le passé quand on était considéré inapte pour le service militaire. Ici cela signifie être inapte à continuer à produire, donc inapte à continuer à vivre puisqu'on est plus assez rentable pour justifier de continuer à être nourri.

Réformer un animal, autrement dit mettre à la casse la machine trop fatiguée, c'est intéressant économiquement aussi parce que, que ce soit une vache, une poule, ou une truie, même si elles ne sont plus assez rentables en tant que machine à produire (du lait, des œufs, des porcelets), elles ont encore une valeur en tant que marchandise : elles peuvent encore être transformées en viande.

Ainsi, comme nous venons de le voir, tuer un animal, lorsque cet animal est réduit dans notre esprit à n'être qu'une machine à produire, c'est vu comme une étape normale du processus de production, ce n'est donc pas vu comme un préjudice envers cet individu puisqu'on ne voit presque plus l'individu mais seulement la machine à produire, ce n'est donc pas considéré comme un acte répréhensible, cela n'a pas le statut d'un meurtre.

D'une manière générale dans notre société spéciste, tuer un animal n'est pas réprimé, ni moralement, ni légalement si on peut montrer qu'il y a la plus petite convenance à le faire. Ainsi l'article R655-1 du code pénal dit que "le fait, sans nécessité, […] de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contravention de 5e classe". Le "sans nécessité" signifie en pratique : "si il n'y a pas un bénéfice, même dérisoire, à en retirer pour un humain". Par exemple tuer un chat qui passe sans être capable de fournir aucune raison pour cela, ce n'est pas accepté. Mais justifier son acte en expliquant que ce chat n'appartient à aucun humain, et qu'il était utile de le tuer parce qu'on va en faire un manteau de fourrure, alors cela rend l'acte acceptable. La même chose peut être dite pour les animaux qui sont tués pour être mangés, alors qu'il n'y a dans notre société aucun caractère de nécessité à manger les animaux.

Tuer un animal familier, cela est réprimé parce que cela cause un préjudice à la famille à laquelle il appartient, mais on ne considère pas que cela cause un préjudice à l'animal. Ainsi, tuer un animal d'élevage ou de laboratoire, ce n'est pas un problème car cela ne cause de tort à aucun humain, au contraire.

Lorsque l'on parle de tuer des animaux, ce qui est en général réprouvé aujourd'hui est le fait de les faire souffrir, souffrir physiquement essentiellement comme nous l'avons vu. Mais l'acte de tuer est totalement ignoré en tant que préjudice porté à l'animal. Lui retirer la vie, ce n'est pas considéré comme lui nuire. Il y a de mon point de vue deux raisons à cela. Des raisons d'ordre philosophique : la difficulté de savoir à quel point la mort est effectivement un préjudice, éventuellement plus ou moins important en fonction des capacités cognitives de l'individu qui est tué. Mais il y a une autre raison d'ordre beaucoup plus pratique : autant l'exploitation des animaux peut être adaptée pour "adoucir" les conditions d'abattage, autant il est clair que remettre en cause le meurtre des animaux, c'est remettre en cause l'exploitation des animaux elle-même. La chasse, la pêche, la corrida, et d'autres activités devraient aussitôt être abolies, et on imagine mal une industrie de l'élevage qui attendrait que les animaux meurent de mort naturelle afin de s'autoriser à prendre des morceaux de cadavre pour les vendre.

On voit là une différence importante avec l'attitude envers le meurtre des humains. Lorsqu'un meurtrier est condamné, sa peine est possiblement aggravée s'il a torturé, s'il a fait souffrir sa victime avant de l'abattre, mais il est d'abord et avant tout condamné pour lui avoir pris la vie. Lorsque, comme David OLIVIER le faisait remarquer, l'ONG Amnesty International milite contre la peine de mort pour les humains, elle ne le fait pas en demandant des méthodes de mise à mort plus douces. Elle remet en cause le principe même de la peine de mort, que la mise à mort soit douloureuse ou indolore. Enfin, si l'idée venait à quelqu'un de promouvoir la consommation de viande humaine, il ne pourrait se contenter de justifier le meurtre des personnes ainsi consommées en disant qu'elles ont été tuées humainement, sans souffrance.

Pour un animal, l'idée que le tuer sans le faire souffrir n'est pas un préjudice se formule par l'idée qu'on peut le "tuer avec respect". Comme le dit cette publicité pour cet abattoir sur Internet :  "chaque abatteur-découpeur s'engagent à traiter les porcs dans le respect de l'animal, à garantir de bonnes conditions d'abattage et de découpe [...]"

[Cliquer sur l'image pour la voir en version agrandie]

 

L'idée de "tuer avec respect" me paraît une contradiction dans les termes : "Je te tue avec respect, tu me tues avec respect, ils se tuent avec respect, …" comme disait Estiva REUS. En dehors des cas d'euthanasie ("je te tue pour ton bien, pour abréger les souffrances") ou de légitime défense ("je te tue pour que tu ne me tues pas"), il me semble que si je te respecte, je ne vais pas essayer de te tuer.

La loi aussi, à l'image de la société, reflète cette idée que l'on peut tuer un animal, mais qu'il faut simplement éviter les "souffrances inutiles". L'utilité, c'est bien sûr l'utilité pour l'homme, par pour l'animal.

A ce titre l'arrêté ministériel du 12 décembre 1997 est assez illustratif. En voici quelques extraits.

Arrêté relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs

Article  4 : Les procédés autorisés pour la mise à mort des animaux autres que les animaux à fourrure sont les suivants :

 Article  7 : Les procédés autorisés pour la mise à mort des poussins en surnombre dans les couvoirs sont les suivants :

 Annexe I - Conditions d'acheminement et d'hébergement des animaux dans les abattoirs. […]

 Annexe III  - Procédés d'étourdissement des animaux. [...]

 Annexe IV  - Mise à mort des animaux. Les matériels utilisés pour la mise à mort des animaux doivent :

 

Nous avons vu que l'article R655-1 du code pénal réprime "le fait, sans nécessité, […] de donner volontairement la mort à un animal domestique […]". Mais l'arrêté ministériel que nous venons de lire nous propose pourtant un catalogue de 7 méthodes pour, sans nécessité, donner volontairement la mort à un animal domestique…

Rappelons nous, comme nous l'avons évoqué plus haut, que non seulement nos idées influencent nos actions, mais que l'inverse aussi est vrai. Si nous pratiquons quelque chose, nous avons tendance à ajuster nos idées de manière à justifier ce que l'on fait ; on appelle cela 'rationaliser' son comportement.

Ainsi, l'idée commune est qu'il est justifié de tuer un animal pour des motifs dérisoires, parce que nous pensons qu'un animal n'a pas beaucoup de valeur. Mais il faut voir aussi que c'est justement parce qu'on les tue pour des motifs dérisoires, que du coup on pense qu'ils ne valent rien. Parce que, constatant en quelque sorte qu'on les tue pour de bien faibles justifications, on en conclue que forcément leur vie ne vaut pas grand chose parce que sinon on ne les tuerait pas pour aussi peu. Ce raisonnement fait boucle, s'auto-entretient, comme une vérité évidente en soi, mais fondée sur rien…

Ainsi la pratique de tuer des animaux parce qu'on aime les manger comme morceaux de viande par exemple, est une pratique si banalisée, pratiquée en masse dans les abattoirs, et qui est si violente quand on accepte de la regarder les yeux ouverts, que pour continuer à vivre normalement entre humains, c'est-à-dire en particulier pour continuer à prohiber le meurtre des humains, nous sommes obligés d'exagérer dans notre esprit, à un point irrationnel, la frontière entre les hommes et les animaux. Ce n'est pas parce que les animaux sont fondamentalement différents que nous les tuons pour les manger. C'est parce que nous les tuons pour les manger que nous sommes psychologiquement contraints de nous persuader qu'ils sont très différents de nous.

On retrouve ici le même phénomène psychologique que celui qui est observé dans les massacres racistes de l'histoire. Pour pouvoir supporter d'assister, ou plus encore, de participer à ces massacres, il est psychologiquement nécessaire de se distancier des victimes. Si nous commençons à les considérer comme proches de soi sur certains aspects, si nous commençons à ressentir ce que peut être leur souffrance parce que nous sommes en partie semblables à elles, alors nous ne pouvons plus poursuivre l'exécution de ces massacres.

C'est ainsi que pour pouvoir se produire, ces massacres sont précédés et accompagnés d'une dévalorisation des futurs victimes. Lorsqu'ils s'agit de victimes humaines, il est fréquent de les "rabaisser" au rang d'animaux ("ces sales cochons", "ces rats", "cette vermine"), justifiant ainsi que le traitement qu'on va leur appliquer ressemble à celui qu'on applique aux animaux. Lorsqu'ils s'agit d'animaux, nous les réduisons au statut de chose, d'objet, de marchandise, de machine, de simple corps sans conscience et sans souffrance, justifiant ainsi le peu d'égard porté aux respects de leurs intérêts.


22 / 26 - Mythe : Nous tuons les animaux par nécessité

Un certain nombre de mythes font obstacle à une prise de conscience de l'injustice du spécisme.

Celui qui compte le plus aujourd'hui, qui est crucial, c'est l'idée que nous devons manger les animaux pour vivre. Quand on prend conscience que c'est absolument inutile, cela paraît incompréhensible de les tuer pour cela, c'est-à-dire pour une simple affaire de goût, de préférence culinaire. Il me semble que ce mythe est un obstacle fondamental à tout le reste de la prise en compte des intérêts des animaux. De savoir si on peut ou pas utiliser un animal pour nous fournir des organes, ou pour une expérience médicale comme on l'évoquait tout à l'heure, c'est une question beaucoup plus difficile. Suivant sa propre philosophie utilitariste ou autre, on peut avoir des opinions différentes, y compris vis à vis des humains. Je veux dire qu'il y a des personnes qui pensent qu'il est légitime d'utiliser des animaux comme objets d'expérience, pour les mêmes raisons (la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt individuel par exemple) qu'ils pensent qu'il y a des cas où il est aussi légitime d'utiliser des humains.

Par contre, je pense qu'on ne peut pas raisonner sainement sur ces problèmes là, tant qu'on continue de penser qu'on peut tuer les animaux pour quelque chose d'aussi futile que le fait qu'on aime les manger.

Pour préciser ce point d'ailleurs, l'idée qui est répandue ce n'est pas tant qu'il serait nécessaire de manger des animaux pour vivre, mais que c'est utile, ou même nécessaire, pour être en bonne santé. Cette idée là, je l'ai gardée moi-même longtemps, y compris après avoir arrêté de manger les animaux. En fait je ne suis pas si sûr que j'y croyais vraiment avant, c'était plutôt une rationalisation qui m'aidait à ne pas culpabiliser lorsque j'en mangeais : l'idée que j'avais besoin de les manger, que si j'arrêtais de les manger, je prenais des risques pour ma santé, cela me donnait une bonne raison de ne pas changer mes habitudes, cela m'évitait certainement de me poser honnêtement la question.

Je pense que ce mythe est un énorme frein. On le voit quand on discute sur ces sujets là, il revient toujours les arguments "mais il faut en manger, si tu n'en manges pas tu as des carences", ou alors "si tu ne manges pas de viande, alors il faut prendre du poisson" et que si on ne fait pas cela notre comportement paraît risqué, quelque part un peu fou, ou au mieux altruiste jusqu'à en être déraisonnable. Alors que c'est absolument faux qu'il soit nécessaire de manger les animaux pour être en bonne santé.

Même les médecins disent encore "il est un peu fatigué, il faut qu'il mange un peu plus de viande", même s'ils savent bien que ce n'est pas la viande qui est nécessaire mais des nutriments qui se trouvent dedans.

Dans un journal pour jeunes enfants, 'Toupie', il y a, dans le numéro 212 de mai 2003, un petit encart pour les parents, avec un article "Alimentation des 3-5 ans, buvez et mangez équilibré". Dans cet article, le Dr Jacques Fricker, médecin nutritionniste à l'Hôpital Bichat, veut exprimer qu'il ne faut pas trop donner à manger aux enfants ; il dit "pour un enfant de trois ans", et l'exemple qu'il prend c'est "prenons l'exemple du steak haché" : "un adolescent a besoin de 100 grammes de viande, alors qu'un petit n'a besoin qu'un demi, voir un tiers de steak. [...]". Il est vrai que nous avons besoin de certains des nutriments que l'on trouve dans la viande, mais il est absolument faux de dire que nous avons besoin de manger de la viande, parce que ces nutriments se trouvent aussi dans d'autres aliments.


23 / 26 - Nombre d'animaux tués chaque année

Nous savons tous que le nombre de personnes qui vivent en France est d'environ soixante millions d'individus, mais nous avons rarement notion du nombre d'animaux qui y vivent et qui y sont tués. Voici donc quelques éléments pour s'en faire une meilleure idée.

Les animaux familiers sont environ une quarantaine de millions. On compte en particulier environ 9 millions de chats, et 8 millions de chien. 8 ou 9 millions, c'est une famille française sur 4.

Concernant les animaux d'élevage, le nombre est beaucoup plus élevé. Même sans compter les poissons dont le nombre n'est pas mesuré en individus mais en tonnes, le nombre d'animaux d'élevage tués en France en une année excède le milliard d'individus.

Ainsi, chaque année, nous faisons naître en France plus de 1 milliard d'individus animaux dans le seul but de les tuer peu de temps après. Trois millions sont donc tués dans les abattoirs chaque jour en France. Plus de cent mille ont été tués, dans notre seul pays, depuis que nous avons commencé cette présentation. Nous avons vu que l'élevage se pratique de plus en plus dans des usines à produire efficacement ; à l'autre bout de la chaîne de production, la machine à abattre doit être tout aussi efficace pour arriver à suivre le rythme et tuer autant d'individus en aussi peu de temps. Un abattoir standard peut aujourd'hui abattre plusieurs centaines d'animaux à l'heure. C'est autant d'animaux vivants qui y arrivent par camions d'un coté du bâtiment, et de tonnes de viande qui en ressortent de l'autre coté. Nous avons rarement conscience de ces volumes parce que, depuis un siècle environ, les abattoirs sont en général peu visibles, en quelque sorte cachés dans les faubourgs des villes. Comme l'écrit Noélie Vialles dans 'Le sang et la chair', page 27 : "Hors des villes, ils sont donc tout autant hors des campagnes, sur les marges de l'humanité urbaine et de l'humanité rurale, également séparé du consommateur et de l'éleveur. Celui-là peut ignorer d'où provient la viande qu'il consomme, celui-ci peut symétriquement ignorer où va l'animal qu'il élève".

Nous avons vu qu'il y a un chat dans une famille sur 4. De même pour les chiens. Mais même si nous n'avons pas de chat ou de chien à la maison, il y a malgré tout à cet instant un certain nombre d'animaux à notre service dans un élevage quelque part. Ces animaux, qu'en quelque sorte nous parrainons avec l'argent que nous donnons pour acheter leur viande, sont le plus probablement enfermés dans une cage ou entassés dans un petit box ou un hangar, engraissés au plus vite, au détriment de leur bien-être. Chaque année, une vingtaine d'animaux (toujours sans compter les poissons) sont abattus pour chacun d'entre nous dans les abattoirs de France. Plus de mille individus sont ainsi tués pour nous, sans aucune nécessité, pendant la durée de notre vie.

 

Conclusion de la partie "Tuer un animal est-il un meurtre ?"

Sur la question du meurtre animal, ma conclusion est finalement assez faible…

Après avoir beaucoup réfléchi, après être passé (à mon age !)  par des phases de réflexions existentielles, de voir la mort approcher, de loin du moins je l'espère… je me suis beaucoup questionné sur le sujet, en général, non seulement donc pour moi-même, mais pour les humains en général, pour les animaux, de savoir si non seulement mourir est grave, mais aussi tuer, si c'était si grave que ça. J'ai donc lu beaucoup de théories sur le sujet, notamment autour des philosophies sur le droit des animaux. Aucune ne m'a vraiment convaincu.

 J'ai trouvé des bonnes idées partout, des idées convaincantes, d'autres qui l'étaient moins, mais rien de très cohérent finalement.

Ma conclusion c'est que je sais que moi je n'ai pas particulièrement envie de mourir, je n'ai pas donc pas envie non plus qu'on me tue, je suis plutôt content de vivre, j'ai eu plutôt de la chance jusqu'à maintenant, et je souhaite que cela continue… C'est tout ce que je peux conclure, et je suppose que pour beaucoup d'autres c'est le cas. Bien que pas pour tout le monde malheureusement...

Mais je n'ai toujours pas une vision très clair de la gravité de l'acte de tuer. Je vois bien que c'est très grave, mais est-ce que c'est un mal absolu, total ? Je ne sais pas. Est-ce que c'est plus grave que n'importe quoi d'autre, pire que la torture ? Je ne sais pas trop. J'ai l'impression que non, mais je n'en suis pas sûr. Dans quel cas peut-on tuer quelqu'un contre sa volonté, dans des cas extrêmes ? Là encore je n'ai pas de réponse. Sur tout cela, il y a des gens qui ont des idées là dessus. Mais j'ai arrêté de chercher des réponses précises.

Tout ce que je sais, c'est qu'étant convaincu que de tuer un humain contre sa volonté est un acte grave, peut-être pas un mal absolu, total, mais pas loin, alors au travers ma réflexion sur le spécisme, je n'arrive plus à comprendre pourquoi on peut continuer de considérer que tuer un animal est un acte absolument banal. Pour moi les deux ne sont pas réconciliables. Entre un humain et un animal, en particulier si je pense aux animaux comme les singes, les cochons, les chiens par exemple, je ne vois pas de différence fondamentale qui pourrait expliquer cela.

A ceux qui pensent qu'il est d'autant plus grave de tuer un être, que cet être est intelligent, conscient de lui-même, a des capacités mentales développées, Carl Sagan posait la question (dans 'Dragons of Eden') : "quel niveau d'intelligence un chimpanzé doit-il atteindre pour que l'on finisse par considérer que de le tuer est un meurtre ?".

Le fait de savoir si tuer un animal est aussi grave que de tuer un humain, ou un peu ou beaucoup moins grave, c'est un problème intéressant en théorie, mais en pratique, comme nous l'avons évoqué plus haut, pour ces trois millions d'animaux que nous tuons chaque jour dans les abattoirs en France (sans même compter les poissons), la réponse à cette question est sans intérêt. Car pour chacun de ces animaux le choix n'est pas entre tuer l'animal ou tuer un humain. Le choix est entre tuer l'animal pour un motif dérisoire (car il n'est absolument pas nécessaire de les manger pour vivre, ni même pour vivre en bonne santé), ou demander à l'humain de manger autre chose que le corps de cet animal.

Ce qui est clair, c'est que si, après avoir passé un peu de temps à jouer avec un animal, après l'avoir regardé dans les yeux alors que lui-même me regarde, si je devais alors le tuer de mes propres mains, l'étrangler, lui trancher la gorge, l'électrocuter, j'aurais du mal à me persuader, en l'entendant gémir, que ce que je fais alors est un acte banal, sans importance.

Mais dans le processus de production dans lesquels ils ont été enrôlés, les animaux étant pour l'essentiel considérés comme des machines et des marchandises, la violence de leur abattage est lui-même rendu invisible. Ainsi, comme l'écrit Noélie Vialles dans 'Le sang et la chair', page 83 : "Dans l'abattage massif, les animaux sont comme déjà morts, leur vie propre abolie par leur nombre, de sorte que l'absence de violence réelle, les traitant comme des choses – « sans colère et sans haine, comme un boucher », écrit Baudelaire- apparaît elle-même comme violence, moins visible et pour cela plus redoutable."


Suite de cette présentation : Conclusion : Vers un Nouvel Humanisme non-spéciste ?