Conclusion - Vers un nouvel Humanisme non-spéciste ? 

Plan de la Conclusion :

Retour vers le plan général



24 / 26 - Le spécisme est-il juste ?

A la question, "le spécisme est-il juste ?", ma réponse est que le spécisme :

Ou, tel que le dit Peter Singer (dans la vidéo 'In Defense of Animals - A Portrait of Peter Singer') : "La souffrance ça reste de la souffrance, et c’est un mal, que ce soit vous qui souffrez, un ami de vous, quelqu’un d’un autre pays, quelqu’un d’une autre race, ou un individu d’une autre espèce. La souffrance ça reste de la souffrance. Vous ne devez pas ignorer la souffrance, vous ne devez pas minimiser la souffrance, vous ne devez pas penser que la souffrance ne compte pas, sous le prétexte que l’être qui souffre n’est pas humain".

 ( "Pain is pain, and it is bad whether it happens : to you, to a friend of yours, to someone of another country, to someone of another race, to a being of another species. Pain is pain. You shouldn't ignore pain, shouldn't discount pain, you shouldn't think that pain doesn't matter because the being being suffering is not human." )


25 / 26 - Comment le spécisme se propage

Comment expliquer que le spécisme soit encore aussi présent dans les esprits ?

Il est autour de nous partout, tout le temps. Dans la publicité par exemple. Quand j'ouvre ma boite aux lettres, je tombe sur des prospectus de supermarchés comme celui-ci qui présente des oranges ici et des morceaux d'animaux là, comme si ces produits étaient de même nature.

Cet autre prospectus, d'une certain façon, évoque tout de même l'animal qui existait avant la viande : il y a marqué que pour 1,49€ le kilo, c'est un "demi-porc avec tête sans cervelle, ni langue". Cela c'est tous les jours quand on ouvre sa boite aux lettres.

 

Ou par exemple cette publicité pour des fours qu'on a pu trouvée dans des magazines. Le slogan pour ce four c'est "vous inventez, et nous faisons le reste", avec la photo du four et là d'un visage d'un agneau maquillé en indien et ici la mention de la recette de l'agneau au safran des Indes. Celle-ci en fait elle est ratée, c'est une bonne pub antispéciste en quelque sorte : on voit le visage de l'animal qui nous regarde dans les yeux.

 

Dans ce livre-là, 'Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans', un livre pour les parents qui ont des difficultés avec leurs enfants, on y dit notamment :

"Il refuse de manger les pauvres animaux que vous osez lui donner à manger ? Depuis qu'il connaît la provenance de la viande et du poisson, il trouve cela «dégoûtant»... Ne paniquez pas. Votre enfant fait sa crise de végétarien ce qui arrive à beaucoup d'enfants qui se posent des questions sur la mort. […] inutile de créer un drame. Voila ce que vous pouvez lui dire : «C'est vrai que l'homme peut manger l'animal, mais l'animal ne peut pas manger l'homme.»"

Si je comprends bien la morale sous-jacente, c'est "on ne doit pas faire du mal aux autres, sauf si ceux-ci ne peuvent pas se défendre"…

"Nous les hommes, ne mangeons pas n'importe quel animal, nous ne mangeons jamais celui que tu connais et que tu aimes beaucoup. Aucun homme ne mange les animaux et compagnons de l'homme. Nous mangeons des animaux élevés pour nourrir des hommes. Des animaux qui n'ont pas une famille comme toi, qui n'ont pas d'histoire, pas de souvenir. L'homme a des sentiments, une pensée, l'animal n'a qu'un instinct. Il ne parle pas. "

A l'enfant qui, un petit peu plus conscient des réalités, dit, en faisant référence au Roi Lion : 

" « oui mais le bébé lion il est très triste quand son papa lion il meurt », répondez  « peut-être, mais tu sais bien que ce n'est pas pour de vrai que c'est une histoire inventée » ".

Dès l'enfance, nous sommes conditionnés à trouver normal que les animaux soient là pour nous servir, conditionnés à ignorer leurs intérêts, leurs émotions, leurs souffrances, conditionnés à trouver normal qu'ils soient enfermés et tués à notre convenance.

Voici un autre exemple de conditionnement des enfants au travers de cette visite d'un élevage industriel de cochons pour les enfants d'une école primaire (photos issues du site Internet de l'éleveur).

Commentaire (du site de l'éleveur) : 
"Beaucoup d'enfants n'avait jamais vu, et encore moins touché de cochons vivants. Après quelques hésitations ..."
"Le porc, ça s'élève, mais ça se mange aussi ; alors, grillades pour tout le monde."

Le commentaire qui accompagne la photo du barbecue organisé à l'issue de cette visite laisse imaginer que les explications qui accompagnaient la vue des truies en stalle ne concernaient sans doute pas la manière dont les besoins de ces êtres sensibles sont frustrés lorsqu'ils sont enfermés dans ces cages. Notons que la visite de l'abattoir ne faisait pas partie de la journée non plus.

Ces enfants sont à leur tour, comme nous l'avons tous été, conditionnés à accepter l'exploitation et l'abattage des animaux sans que la question de la légitimité de ces pratiques ne leur soient jamais posée.

Ainsi, nous sommes donc bombardés tout le temps, sans arrêt, toute la journée, de messages spécistes.

Un autre exemple, dans ce livre-là, "La vrai morale se moque de la morale - Etre responsable". Je cite : "Ce texte se propose de montrer l'émergence d'un nouveau principe moral, le principe de responsabilité". Un peu plus loin : "Le principe de responsabilité […], c'est un principe qui se moque des principes, c'est un principe qui s'attache aux conséquences". Plus loin encore, l'auteur critique ce qu'il appelle l'attitude de "l'innocence, [qui] pouvait se réfugier dans les causalités collectives", on pouvait dire "ce n'est pas ma faute, c'est la faute de la société".

Chaque chapitre sur ce sujet très sérieux, est entrecoupé d'allusions à la cuisine, dont l'auteur est passionné. Je cite quelques extraits "Des côtes premières d'un tendre agneau du Limousin, j'extrais avec précision une belle et longue noisette. […] Quel rapport avec la moral ? Quel rapport avec la responsabilité ? [...] Comment la langue pourrait-elle être la pire des choses ? Elle est toujours la meilleure, pour la parole, pour l'amour et pour la cuisine.". Plus loin, en parlant d'un plat qu'on lui sert : "A la taille ce doit être un agneau.  […] Un agneau de lait ? Pauvres bêtes, les retirer si violemment sous leur mère. De Pauillac ? Il irait mal avec le petit Bordeaux dont on ne revient pas encore".

Cette personne, qui semble ne pas faire beaucoup de rapport entre sa morale et sa pratique quotidienne, c'est Alain Etchegoyen, qui en dehors d'être professeur au Lycée Louis le Grand, est membre du Comité National d'Ethique.

Le canal par lequel le spécisme se propage le plus, c'est évidemment, comme le dit ce transparent : "à la maison tous les jours où Papa/Maman, qui m’aime et qui est un modèle pour moi, pour mon bien me donne à manger des animaux qui ont été élevés et tués pour que je mange leur corps".

Ainsi, cette idée qu'un intérêt vital d'un animal compte moins que le plus petit des intérêts humains, se transmets des parents aux enfants, comme tout composante de notre culture.


26 / 26 - Vers un nouvel Humanisme non-spéciste ?

Dans notre culture, il y a certes beaucoup de spécisme, de même qu'il y a encore trop de racisme, mais il y a aussi une autre composante qui est l'Humanisme.

L'Humanisme a été un progrès majeur de civilisation. Il a permis la prise en compte des intérêts d'individus pourtant différents, mais dont il a été compris que ce qu'ils avaient en commun avec nous était plus fondamental éthiquement que leurs différences apparentes.

Il nous faut revenir aux principes de l'Humanisme, contre ceux qui l'ont dévoyé de manière spéciste. Ces principes ont permis de lutter contre des discriminations, pour prendre en considération les intérêts de groupes qui en étaient exclus : les femmes, ceux d’autres races, les pauvres, les enfants, les handicapés mentaux, etc. Cette philosophie a été pervertie en une autre philosophie qui clame que 'seuls les intérêts des humains comptent vraiment moralement', les intérêts des autres êtres sensibles étant méprisés sur le critère arbitraire de leur espèce.

Le terme de 'Nouvel Humanisme' peut exprimer ainsi non pas une nouvelle attitude envers l'homme, mais une nouvelle attitude DE l'homme envers les autres : envers les autres hommes, et envers les non-humains. Face à l'humaniste spéciste qui recherche en lui-même les signes de sa grandeur, de sa "dignité humaine", pour s'en glorifier en se distinguant des autres animaux dont il légitime ainsi l'esclavage, rappelons que la véritable grandeur, la véritable dignité est dans l'attitude dont on fait preuve, en pensées comme en actes, envers les autres.

Pour reprendre les mots de Milan Kundera, dans "L'insoutenable légèreté de l'être" : "Le véritable test moral de l'humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu'il échappe à notre regard), ce sont les relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent".

Elisabeth de Fontenay a su bien décrire (dans sa conférence aux CNAM dans la série 'Université du savoir') notre attitude passive face à l'exploitation des animaux : "la cruauté dont il s'agit dès lors, porte un nom tout simple : l'indifférence. Nous ne sommes pas sanguinaires et sadiques, nous sommes indifférents, passifs, blasés, détachés, insouciants, blindés, vaguement complices, pleins de bonne conscience humaniste, et rendus tel par la collusion du rationalisme, de la tradition catholique, de la techno-science et de l'horreur économique. Le fait de ne pas savoir ce que d'autres font pour nous, de ne pas être informés, loin de constituer une excuse, accable ces êtres doués de conscience et de responsabilité que nous prétendons être."

Je rajoute, à la manière de Helmut Kaplan, que lorsque nos petits enfants nous demanderont :"mais à votre époque, vous saviez que tout cela existait n'est-ce pas ?", et que nous répondrons "oui" d'un hochement de tête embarrassé, faudra t'il que l'on attende la question suivante un peu comme une sentence : "Mais alors pourquoi vous n'avez rien fait ?".

A ceux d'entre vous qui découvrez l'ampleur de l'exploitation animale, je fais une simple requête. Si il n'y avait qu'une chose à retenir de ce que j'ai dit, je souhaiterai que ce soit sous forme de deux questions. Je voudrais qu'à chaque fois que vous voyez un animal utilisé par des hommes, que vous vous demandiez si :

Une véritable justification, c'est-à-dire une justification autre que de dire qu'il n'est pas de la même espèce que nous.

Pour que vous ne disiez plus "on peut les utiliser ainsi, on peut leur faire cela, parce que ce ne sont que des animaux", comme d'autres disaient en d'autres temps : "parce que ce ne sont que des Noirs".

Car si on repense à ce qui est fondamentalement révoltant dans l'esclavage des humains, ce n'est pas, comme cela est souvent dit, que les esclaves humains soient traités comme des animaux. 

Ce qui est révoltant c'est que les esclaves humains sont considérés comme la propriété du maître, comme une simple chose qu'il peut utiliser selon son bon vouloir, comme une marchandise, une machine à produire par exemple, indépendamment des besoins, des intérêts, des préférences de l'individu.

Il est vrai que c'est ainsi que les animaux sont traités aujourd'hui et qu'en ce sens, les esclaves humains d'hier étaient traités comme les animaux le sont aujourd'hui.

Mais ce qui rend révoltant l'esclavage des humains, pourquoi cela deviendrait-il acceptable lorsque la victime est un animal ?

Si, comme il est venu pour moi, vient pour vous le moment ou vous n'arriverez plus à cultiver l'indifférence face à l'esclavage de ces milliards d'animaux, lorsque vous n'arriverez plus à justifier le massacre quotidien de ces millions d'individus pour la satisfaction de nos intérêts les plus dérisoires, alors peut-être penserez-vous comme moi que cette exploitation est indigne du niveau de civilisation que nous prétendons avoir atteint, et doit être abolie.