Partie 4 - L'animal-machine à produire des marchandises

Plan de la partie 4 :

Retour vers le plan général


 

17 / 26 - L'animal-machine à produire des marchandises

Nous avons évoqué précédemment que la pensée spéciste a une manière très simple de justifier l'utilisation que nous faisons des animaux : en considérant qu'ils sont faits pour cela. Nous allons approfondir maintenant un peu plus cette façon de voir l'animal, ou plutôt de le réduire devrais-je dire, c'est-à-dire de le réduire à l'utilité qu'il a pour nous, en oubliant les autres facettes de l'être sensible qu'il est pourtant, en oubliant ses besoins émotionnels, sociaux, relationnels, intellectuels, etc.

Avant de poursuivre, je voudrais préciser que dans le suite, nous allons voir quelques séquences vidéo que certains trouveront sans doute, comme moi, pénibles à regarder. Je voudrais que vous gardiez à l'esprit que ce ne sont pas les images qui sont pénibles à regarder, mais c'est la réalité qu'elles montrent qui est pénible à regarder.


18 / 26 - Animal = chose (marchandise, corps, cadavre)

 

Une marchandise (qu'on possède, vend, transporte)

La première façon de réduire l'animal, c'est de le réduire à une chose, une marchandise.

Cela est très bien dit dans ce bref reportage qui est passé fin 2002 au journal de 20h de TF1.

[Pour télécharger ce reportage (format AVI de 2,4Mo de 1 minute environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

 

Commentaire qui accompagne les images de la vidéo :
"Nouveau cri d'alarme des associations de protection des animaux de ferme, qui dénoncent les conditions d'élevage épouvantables pratiquées dans certaines exploitations."

"Ces truies sont sur le point de passer les neuf mois de leur gestation, enfermées dans ces stalles closes, dans l'incapacité de bouger." [Jérôme K. m'écrit pour rappeler que "La gestation d'une truie ne dure pas 9 mois (...), mais 3 mois - 3 semaines et quelques jours. TF1 fit preuve d'un tantinet d'anthropomorphisme..."]

"Ces poules pondeuses vivent chacune dans 20 cm dans des conditions inhumaines."
"Idem pour ces poussins, triés de façon barbare."
"Enfin cette vache n'est pas un animal, c'est une marchandise. Qui se préoccupe de ses souffrances au moment de l'abattage ? Personne. Voila le cri d'alarme lancé par l'association pour la Protection Mondiale des Animaux de Ferme."

 

Le commentaire de ce reportage dit : "Cette vache n'est pas un animal, c'est une marchandise".

Cette vache est considérée comme une marchandise. Elle est donc traitée comme une marchandise. Mais, quelque soit la manière dont on la considère, la réalité c'est quand même que c'est une vache, un être sensible, qui est affecté par ce qu'on lui fait, qui en souffre. Traiter comme une marchandise quelque chose qui n'est pas une marchandise, c'est le traiter de manière inapproprié par rapport à ce qu'il est, à ses besoins, ses intérêts. Traiter comme une marchandise quelque chose qui n'est pas une marchandise, c'est mal le traiter, c'est le maltraiter.

Une chose qui nous intéresse, on est tenté très vite de la considérer comme une marchandise, c'est-à-dire une chose que l'on veut posséder, que l'on veut s'acheter si on ne l'a pas, donc qui se vend, qui se transporte aussi du vendeur à l'acheteur. L'idée qu'un individu peut appartenir à un autre, et que le fait de le posséder autorise à en faire, si ce n'est ce que l'on veut, du moins presque tout ce que l'on veut pour en tirer profit, cela c'est aussi appliqué aux humains avec l'esclavage.

Pour illustrer le fait que l'animal est vu principalement comme une marchandise, dans l'utilisation que l'on en fait en l'occurrence ici dans l'industrie de l'élevage, j'ai relevé, dans ce magazine 'Réussir Porc', dans le numéro 94 de mai 2003, page 5, cette information : "les responsables du Comité Régional Porcin proposent trois mesures qui visent à alléger le marché pour favoriser un retour à des cours meilleurs. Premièrement : financer une opération de dégagement de marché sur des pays tiers [...]. Deuxièmement : Baisser la gamme de poids de deux kilos […]. Troisièmement : abattre 2.000 porcelets par semaine pendant dix semaines".

On voit bien là qu'il n'est attribué à l'animal d'élevage absolument aucune valeur en soi en dehors de sa valeur marchande. C'est même presque comme si un individu pouvait avoir une valeur négative, c'est-à-dire que puisqu'en le supprimant on créé de la valeur, parce que cela fait remonter les cours du marché, alors on le supprime.

Il y a aussi les animaux que l'on supprime parce qu'ils n'ont pas de valeur économique, ce sont des déchets du processus de production, déchets que l'on jette. Par exemple, les poussins males issus de poules pondeuses ne peuvent pas être utilisés pour produire des œufs, et comme ils ne sont pas rentables pour produire de la viande (parce qu'ils ne sont pas issus d'une lignée génétique sélectionnée pour cela) ils sont jetés comme un déchet, dans un broyeur en l'occurrence, ou entassés dans des sacs sur lesquels on roule avec un bulldozer.

Une fois que la viande a été produite sur l'animal, il faut l'emmener jusqu'à un abattoir pour retirer la viande du corps de l'animal et l'empaqueter pour la vendre comme produit de consommation. Nous allons voir maintenant quelques séquences vidéos qui nous montrent différentes étapes du transport de poulets et de dindes, depuis le lieu de production de viande jusqu'à l'abattoir. J'ai choisi ces vidéos parce qu'elles montrent clairement que lorsque l'on s'est persuadé qu'un animal n'est qu'une simple marchandise, on en vient effectivement à le manipuler comme s'il n'était qu'une marchandise.

La première vidéo, filmée en Angleterre (et diffusée par l'association 'Animal Aid' sous le titre "Here's the catch") nous montre le chargement de dindes, depuis les hangars où elles sont entassées, vers les caisses des camions de transport. Il faut savoir, comme nous allons le voir en image, qu'au moment où ces animaux sont ramassés, un nombre important d'entre eux sont malades, quand ils ne sont pas déjà morts, notamment à cause des conditions d'entassement, de l'atmosphère viciée de ces hangars. Beaucoup souffrent de plaies aux pattes dues à la saleté du sol de ces hangars qui ne sont pas nettoyés une seule fois durant toute leur durée de vie ; les plus faibles d'entre eux sont blessés par leur congénères qui deviennent violents à cause des conditions d'entassement et d'ennui dans lesquels ils sont placés. De plus, comme ils ont été sélectionnés génétiquement pour produire le maximum de viande, mais sans considération pour leur bien-être, ils sont tous devenus obèses par rapport à ce que leur squelette fragile peut supporter. Certains peuvent à peine se déplacer pour venir se nourrir. Leurs os se cassent facilement, en particulier lorsqu'ils sont manipulés comme nous allons le voir. Est-ce utile de rappeler que ce sont ces animaux que l'on retrouve au milieu de nos tables au moment des fêtes de Noël ? L'envers du décor est effectivement un peu moins reluisant.

Cette vidéo dure 5 minutes environ.

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Les trois prochaines séquences, plus brèves, sont extraites de la vidéo 'Meet Your Meat' de Peta, une association américaine de défense des animaux.

La première nous montre comment ces oiseaux, tombés d'un camion lors d'un accident, sont rechargés dans leurs caisses sur le camion.

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La séquence suivante nous montre ce qui ressemble à une opération d'étalonnage de volailles, encore une fois manipulés comme de la marchandise, comme des objets.

 

[Pour télécharger cette vidéo (vidéo sans son, au format AVI de 6Mo de 15 secondes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

 

Dans la dernière séquence de cette série, arrivés à l'abattoir, les animaux sont transportés sur des tapis roulants, à la manière d'un objet dans une usine de production à la chaîne. Ils sont ensuite accrochés sur les rails circulants qui les transportent vers l'endroit où ils seront électrocutés, puis décapités. L'électrocution n'étant d'ailleurs fréquemment pas efficace, beaucoup d'entre eux sont en fait égorgés vivants.

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Un corps

Une autre façon de voir l'animal, c'est de le réduire à n'être que son corps. Ce qui nous intéresse peut être son corps mort (nous y reviendrons), mais commençons par dire quelques mots aussi de l'utilisation de son corps vivant, que l'on utilise pour faire des expériences.

Notons que même dans le cas où c'est l'animal vivant qui nous intéresse, on le considère toujours néanmoins comme une chose. On pourrait penser que le fait d'être intéressé par l'animal vivant amènerait à lui porter plus d'égard. Mais il faut bien voir que c'est en tant que simple organisme qu'il nous intéresse alors, sa biologie en tant qu'objet d'expérience, et pas en tant que sujet, en tant qu'être sensible. Notons que même lorsqu'on étudie son cerveau dans des expériences en neurobiologie, ce qui intéresse ce n'est pas le fait de savoir si il ressent ou pas les choses dans le sens ou cela lui serait préjudiciable ou pas, moral ou pas, que de le faire souffrir, mais dans le sens de savoir comment cela se passe dans sa tête quand il pense ou qu'il souffre.

Ce n'est d'ailleurs pas sans lien. Si vous expérimentez avec un animal, et que vous savez que ce que vous faîtes est préjudiciable pour l'animal, aussi utile que cela puisse être ou ne pas être par ailleurs, si vous savez que ce que vous lui faites le fait directement souffrir, ou même simplement le prive d'expériences qui seraient bénéfiques pour lui, comme par exemple de vivre en liberté avec ses congénères, alors, si vous voulez continuer à pouvoir faire votre travail sereinement, vous êtes contraint de réduire l'animal à un simple objet d'expérience, et d'occulter dans votre esprit les autres dimensions qui en font un être sensible comme vous.

Ainsi, afin de se rappeler qu'un animal que l'on utilise pour faire des expériences, cela reste d'abord et avant tout un être sensible qui ressent ce qui lui arrive, qui a une vie mentale, des émotions, qui se sent bien ou mal, qui est affecté par ce qu'on fait de lui, je vous présente maintenant une vidéo qui va nous permettre de mettre un visage derrière cette idée abstraite. Le visage que vous allez voir, c'est celui d'un singe macaque qui a été prénommé Malish. Cette vidéo a été tournée de manière clandestine dans le laboratoire de neurobiologie du Dr. Ehud Zohari à l'Université hébraïque de Jérusalem.

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Commentaire qui accompagne les images de la vidéo :

"Les images qui vont suivre ne sont pas faciles à regarder. Elles ont été filmées par caméra cachée en juillet 2001.

Voici le sous-sol dans lequel Malish et 3 autres singes sont enfermés. Au troisième étage sous terre, une petite pièce, sans ventilation. Quatre singes, des petites cages, sans rien à faire si ce n'est de fixer des yeux le mur blanc.

Depuis plus de trois ans, ces quatre singes sont enfermés ici, pour une expérience dans le laboratoire du Dr Ehud Zohari, au département de neurobiologie de l'Université Hébraïque de Jérusalem. Depuis plus de trois ans, Malish et ses amis sont maintenus dans une état de soif permanente, de façon à ce qu'ils coopèrent avec les chercheurs. Ils sont aussi privés de nourriture pendant les week-ends et les vacances.

Recouvert d'une boite en carton, Malish est emmené vers la salle d'opération. Dans la salle d'opération se trouve deux chercheurs […] du laboratoire du Dr Ehud Zohari. Ils préparent Malish pour l'opération. Il n'y a pas de vétérinaire dans la pièce.

Nous vous épargnons l'opération entière, qui a duré plusieurs heures, et durant laquelle ils ont enlevé le cuir chevelu de Malish, percé des trous dans son crane, et installé des instruments dans son cerveau, fixés par vingt vis. Nous ne vous montrerons pas comment ils ont inséré un fil de métal dans son œil gauche […]. Pendant l'opération, Malish n'était pas complètement anesthésié. Les chercheurs ont utilisé des anesthésiants qui avaient expiré six ans auparavant. Le dosage non plus n'était pas bon.

 

Voici Malish après l'intervention.

Malish est né dans la ferme Mazor en Israël, il a été séparé de force de sa mère quand il avait dix mois, pour être vendu à l'Université Hébraïque. Les trois autres singes, Jedi, Fred, and Simon, viennent aussi de la ferme Mazor, et ont subi la même opération. C'est une opération de routine, commune en recherche expérimentale sur le cerveau.

Pendant les années que durent l'expérience, des électrodes sont insérées dans le cerveau du jeune Malish et de ses amis, à travers les orifices de leur crane. Pendant les années que durent l'expérience, les singes sont immobilisés pendant de longues heures dans une chaise de contention. Leur tête est vissée à la chaise de façon à ce qu'ils ne puissent pas bouger, même pas d'un centimètre.

Nous attendions avec impatience les résultats de ces expériences sur ces quatre singes. Un article fut publié. Les conclusions : "Les singes on tendance à catégoriser les images par leur nombre ordinal". Une autre conclusion était que "D'autres expériences sont nécessaires". Actuellement, le Dr. Ehud Zohari conduit une expérience similaire. Cette fois-ci avec six singes.

Ces images vont ont été présentées par la Israeli Society for the Abolition of Vivisection. Merci de nous contacter à isav.org.il"

 

Un cadavre

Une troisième manière d'utiliser l'animal, c'est d'utiliser son corps mort, son cadavre. On prélève, à l'abattoir, ses organes pour s'en servir de matière première pour en faire des produits plus ou moins transformés.

Ainsi, comme le décrit le livre "Le sang et la chair" de Noélie Vialles, page 86, à l'abattoir, "les parties du corps successivement écartées pour obtenir une carcasse se répartissent en trois catégories :

Il y a un contraste assez saisissant sur la manière de prendre les organes suivant qu'on le fait à un humain ou à un animal. Les organes des humains, on les prend aussi et ils servent aussi à quelque chose. De la même façon qu'il ne faut pas dire que d'utiliser un individu, c'est une mauvaise chose en soi (on peut par exemple être utilisé par son entreprise pour ses compétences, sans nécessairement être exploité pour autant), de même, dans le fait de prendre les organes, ce serait stupide de dire que c'est une mauvaise chose en soi. Cela peut au contraire être une bonne et belle action : mettre une carte de donneur d'organes dans son portefeuille, peut permettre de sauver des vies. On peut voir le contraste entre la manière dont on aborde le don d'organe du point de vue des humains, avec la manière dont on utilise les animaux pour leurs organes. Voici un spot télévisé d'il y a un an et demi à peu près, issu d'une campagne pour le don d'organe, qui présente une jeune femme qui s'appelle Stéphanie, qui raconte qu'elle a perdu son compagnon qui est mort quelque temps avant cette vidéo et qui lui-même avait accepté de léguer ses organes.

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Commentaire qui accompagne les images de la vidéo : "Arnaud il l'a fait parce qu'il aimait la vie terriblement, et il aimait les autres terriblement. Il avait cela en lui. Quelque chose de très beau, de très vivant. Dans le don d'organe, il y a 'donner', c'est ..."

Ainsi, quand on parle de dons d'organes d'humains, c'est fait d'une manière très belle dans notre société, et c'est très respectueux de l'individu. On utilise évidemment le corps d'une personne qui n'existe plus, qui est déjà morte, qui, de plus, d'une manière directe ou indirecte, ou par sa famille, à donné un consentement à ce qu'on prenne ses organes, et on utilise ses organes pour un objectif vital : sauver la vie d'une autre personne.

Par contre, lorsqu'il s'agit de prendre les organes d'un animal, on choisit un animal vivant, on le pousse de force dans une camion, on l'emmène à l'abattoir où il se passe ce qu'on voit sur ces images (extraites de la vidéo 'Les coulisses de l'élevage moderne', de la PMAF). Et ceci non pas pour sauver une vie, mais simplement pour le plaisir d'un morceau de viande ou le chic d'un nouveau sac à main en cuir.

[Pour télécharger cette vidéo (vidéo sans son, au format MPEG de 24Mo de 2 minutes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

  


19 / 26 - Animal = machine à produire des marchandises

Une autre manière encore de voir l'animal, de la réduire, c'est de le considérer comme une machine, une machine à produire des marchandises, à produire de la viande, du lait, des oeufs, de la laine, etc.

Il y a toute une science, des recherches, et aussi toute une industrie, toute une activité économique, qui ont pour objectif de maximiser la production, d'optimiser cette machine. La science en question s'appelle la zootechnie. Cela consiste à jouer sur les conditions de nourriture, d'éclairages, d'hébergement, etc. pour améliorer le rendement de la machine.

Dans l'article "Le travail dans l'élevage industriel des porcs" publié dans le livre "Les animaux d'élevage ont-ils droit au bien-être ?" dirigé par Florence Burgat, page 39, Jocelyne Porcher fait une description de l'éleveur moderne, en citant une définition de la zootechnie datant de 1904 : "[L’éleveur moderne est un] mécanicien spécialiste de ces machines vivantes chargé de les faire fonctionner au maximum de leur potentiel biologique et économique : « le problème zootechnique consiste donc, en définitive, à bien diriger la construction des machines animales, à les approprier exactement aux conditions physiques et économiques de lesquelles s’entreprend leur exploitation et à les alimenter de façon à ce que leurs produits de transformation atteignent la plus grande valeur possible » ".

Nous allons illustrer concrètement cela avec quelques méthodes qui sont pratiquées aujourd'hui afin d'optimiser l'animal en tant que machine à produire.

Dans la mesure du possible, vous verrez que je me base ici encore sur des sources d'information qui sont celles du monde de l'exploitation animale, principalement du monde de l'élevage, et non pas de sources comme les association de défense des animaux, que vous pourriez légitimement soupçonner de vouloir exagérer certains faits.

Notons que beaucoup des exemples que je vais prendre sont issus du monde de l'élevage des cochons. C'est en effet un domaine sur lequel je me suis pas mal documenté suite à une visite dans un élevage industriel qui m'avait beaucoup marqué. De plus, dans le cas d'un cochon, si on devait faire un classement un peu simpliste en terme d'intelligence (notion très "anthropocentrique" à manier avec précaution) on pourrait le comparer à un chien par exemple, et donc on ne peut pas soutenir que ce sont des animaux tellement stupides qu'ils ne se rendent même pas compte de ce qu'il leur arrive, comme certains disent au sujet d'autres animaux, oubliant ainsi que la sensibilité, le fait de ressentir les choses, pour les animaux comme pour les humain, ce n'est pas la même chose que l'intelligence… Ttous les principes que nous allons voir dans le cas des cochons ce sont exactement les mêmes que l'on retrouve dans les autres élevages, simplement appliqués à des pratiques différentes.

L'enfermement

Parmi ce qu'on cherche à optimiser dans cette machine à produire de la viande, c'est évidemment d'obtenir le meilleur rendement entre ce que la machine consomme et ce qu'elle produit, c'est-à-dire entre notamment la nourriture qu'on leur donne, et la viande qu'on obtient en bout de chaîne. Cela est mesuré par un indice, l'IC, l'Indice de Consommation. Bien évidemment on veut minimiser ce qu'on met en entrée, parce que cela coûte, et maximiser ce qui sort, parce que cela rapporte. Quand il s'agit de cochons qui sont engraissés pour faire de la viande, on ne peut pas se permettre de les sous-alimenter parce que justement on veut qu'ils grossissent. Alors un autre manière d'améliorer ce ratio, cet Indice de Consommation, c'est de faire que les cochons ne se dépensent pas trop, parce que sinon une part plus grande de la nourriture qu'on leur donne va être perdue en énergie, en chaleur, lorsqu'ils se déplacent, au lieu d'être transformée en viande, et c'est donc de l'argent perdu. Comme on l'a vu plus haut, les boxes dans lesquels ils sont enfermés sont effectivement tellement petits, pour limiter les coûts de construction et d'entretien des bâtiments, que l'activité physique est forcément très limitée.

Pour les truies qui sont en gestation, l'activité est réduite à rien du tout puisqu'elles sont enfermées pendant plusieurs semaines, une dizaine typiquement, dans une cage, qu'on appelle stalle, si petite qu'elles ne peuvent même pas se retourner. En voici quelques photos issues du site Web d'un éleveur qui présente son élevage en images (site http://perso.club-internet.fr/jlhaguet/lhermitage/gestante.htm).

Commentaire (du site de l'éleveur) : 
"La gestation des truies est d'environ 16 semaines ; étant donné qu'elles passent 5 semaines en attente saillie et entrent en maternité 1 semaine avant la mise-bas, elles restent donc environ 10 semaines en gestante dans la même stalle."
"Les truies sont sur un caillebotis en ciment avec une ouverture arrière qui permet une meilleure évacuation des déjections."

 

Ce n'est pas surprenant que dans ces cages les truies présentent les même symptômes que les animaux de zoos enfermés dans des conditions dans lesquelles ils deviennent fous : hochements de têtes répétitifs pendant des heures par exemple. La cage est tellement petite qu'on à peine à imaginer pouvoir y rester soi-même ne serait-ce que quelques heures ; et elles y restent plusieurs semaines. Mais, dans une vision spéciste, puisque l'intérêt de l'animal ne compte pour vraiment pas grand chose par rapport à celui d'un humain, on enferme quand même ces animaux dans ces cages puisque en plus cela facilite le travail pour l'éleveur d'avoir toutes les truies à disposition, déjà empêchées de bouger, pour par exemple facilement les laver ou effectuer une échographie pour voir combien de porcelet elles sont en train de produire. 

Nous allons voir cela maintenant en image dans des extraits d'une vidéo réalisée en partenariat avec un institut d'élevage, et destinée à former des personnes qui travaillent dans le domaine de l'élevage porcin.

[Pour télécharger cette vidéo (format MPEG de 19Mo de 2 minutes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

Je trouve le commentaire sur les "locaux spécialement aménagés pour son confort" déplacé au regard des images …

Ces cages sont si petites que, sous la pression d'associations de défense des animaux, une réglementation européenne va imposer, d'ici une petite dizaine d'années si tout se passe bien, de réduire de beaucoup le temps où les truies y seront enfermées.

Au moment de la naissance des porcelets, il y a, comme avec tout animal y compris nous les humains, le risque pour le porcelet de contracter une infection. Dans les élevages spécialisés qui produisent des animaux reproducteurs, on souhaite minimiser ce risque, pas pour le bien-être des animaux, mais pour assurer les meilleures performances de ces reproducteurs, c'est encore plus important que pour les animaux que l'on engraisse pour produire de la viande, car les reproducteurs sont en amont de la chaîne. Ainsi, pour minimiser le risque d'infection à la naissance, une nouvelle méthode consiste, au lieu de les faire naître de manière naturelle, à effectuer l'ablation de l'utérus de la truie (une hystérectomie), et de faire ensuite sortir les porcelets dans un environnement complètement stérile. Il n'est pas dit ce qui est fait de la truie une fois qu'on lui a retiré l'utérus plein de ses porcelets.

Ainsi, dans 'Réussir Porc' numéro 96 de juillet 2003 : "Des truies inséminées à haut niveau génétique sont prélevées en élevage de sélection et transférées au centre d'assainissement Nucléus à Saint-Sulpice des Landes (44). Là, elles sont hystérectomiées à 113 jours en conditions stériles. Sur le même site, les porcelets sont ensuite transférés en containers stériles sous des truies receveuses, elles-mêmes issues d'hystérectomie et provenant d'élevage assainis, indemnes de tous contaminants connus".

 

La nourriture

Une autre optimisation à faire consiste à jouer sur la nourriture. En particulier, en rationnant les animaux dans certaines conditions, cela permet d'optimiser certains ratios de production. Rationner cela veut dire limiter la quantité de nourriture à un niveau assez faible. Dans 'Porc Magazine' numéro 367 de juin 2003 par exemple, page 65, on lit, au sujet des jeunes truies destinées à la reproduction (les "cochettes"), qu'il faut être "très attentif à la conduite alimentaire. La croissance de ces cochettes trois-voies demande à être cadrée. […] En même temps, il faut veiller à ne pas trop les priver. Des problèmes de cannibalisme peuvent surgir". Tout cela est dit en termes très techniques, mais en gros je comprends que les truies ont tellement faim qu'elle finissent par devenir agressives, pour ne pas dire désespérées, au point de se manger entre elles.

Voici un autre exemple où l'on joue sur la nourriture pour optimiser la production, cité dans 'Réussir Porc' numéro 94 de mai 2003, page 47, au sujet de porcs élevés en plein air. Notons que ce mode d'élevage est très rare, la quasi-totalité des porcs sont élevés industriellement, enfermés dans des hangars si ce n'est même des cages : "L'alimentation est plafonnée à 2 kilos par porc et par jour. Ce rationnement sévère et la possibilité pour les animaux de se déplacer dans les parcs évitent un dépôt de gras trop important sur les carcasses.". Donc le fait que les animaux aient faim est intéressant parce que ils ne produisent pas trop de gras (qui se vend moins cher), même si du coup ils grossissent sans doute moins vite..

Les mutilations

Une autre optimisation à faire sur la machine à produire de la viande, c'est bien sûr d'améliorer le goût de la viande. A titre d'exemple, je prends la castration du porcelet. Il est en effet apparu que le goût de la viande de cochon était amélioré lorsque le cochon est castré. Du moins en France, car d'autres pays ne le font pas et ne semblent pas s'en porter plus mal ; peut-être est-ce dû aux races de cochons différentes, je ne sais pas précisément.

Il faut savoir que cette pratique n'est pas rare du tout, elle est même généralisée et pratiquée sur l'écrasante majorité des porcelets en France, sachant qu'il y a plus de 20 millions de cochons tués pour être mangés en France chaque année.

Dans cet extrait vous verrez que la castration est appelé un "soin" fait au porcelet. On peut trouver ce terme un peu abusif. Un soin, c'est normalement une action que l'on fait pour soigner quelqu'un, pour améliorer sa santé. Ici, il s'agit de mutiler l'animal, sans anesthésie, afin d'améliorer le goût qu'il aura quand on le mangera. Je trouve que le terme de "soin" n'est pas approprié.

Parmi les autres interventions que l'on va voir sur cette vidéo, il y a aussi le raccourcissement de la queue. Nous avons vu que les cochons sont des animaux qui ont besoin d'activité, de fouiller, d'explorer, de jouer. Ainsi, entassés les uns sur les autres sans rien à faire comme ils le sont dans les boxes d'engraissement, ils s'ennuient, et l'une des rares activité qu'ils trouvent à faire c'est de mordre la queue des autres cochons qui sont serrés autour d'eux. Ils sont d'ailleurs certainement d'autant plus incités à le faire que le besoin de succion est exacerbé par la séparation d'avec la mère et le sevrage précoce. Le fait qu'ils se mordent entre eux, c'est un problème pour l'éleveur, pas tant en soi qu'ils se mordent et se fassent mal, mais surtout parce que cela peut donner lieu à des infections qu'il faut alors traiter.

Comme cela est clairement dit dans 'Manipulation et interventions en élevages porcins', un livre à l'intention des étudiant en élevage de porc, page 96 : "La caudectomie ou section de la queue est une opération qui permet d'éviter que les animaux ne se mangent mutuellement la queue. Ce phénomène de cannibalisme est une source d'infections qui peuvent significativement dégrader les performances de croissance."

Pour résoudre le problème, la solution ce pourrait être de donner plus d'espace à chaque cochon, et un environnement plus naturel, donc plus intéressant, moins ennuyeux. Mais ce n'est pas la solution retenue, car alors les performances de la machine à produire de la viande se dégraderait car il faut bien sûr y intégrer les coûts des mètres carrés d'espace utilisé par chaque cochon ; habituellement c'est quelque chose comme 0,65 m2 par cochon. Ils se mordent la queue à cause des conditions dans lesquelles on les élèvent, alors la solution la plus économique qu'on a trouvé pour qu'ils arrêtent, c'est de leur couper la queue.

Au lieu d'adapter l'usine de production aux besoins de l'animal, on adapte le corps de l'animal aux besoins de l'usine de production.

Similairement, concernant les poulets, entassés par milliers dans des hangars comme nous l'avons vu, le problème est qu'il finissent par se battre, se donner des coups de becs violents. On explique cela aussi par l'impossibilité pour ces animaux d'établir une hiérarchie entre eux puisqu'ils sont si nombreux entassés au même endroit, et par l'ennui et le stress provoqués par ces conditions de vie . La solution aux problèmes des blessures par coups de becs ? Au lieu de diminuer l'entassement et de les faire vivre dans des conditions plus compatibles avec leurs besoins, la solution est tout simplement de leur couper le bec, comme on le voit sur ce bref extrait de la vidéo 'Meet your meat' de l'association américaine Peta.

[Pour télécharger cette vidéo (format AVI de 12Mo de 30 secondes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

Dans la vidéo sur les "soins" aux cochons que nous allons regarder, vous verrez aussi qu'on leur fait des injections de fer pour qu'ils ne soient pas carencés. Mais s'ils sont carencés, c'est aussi à cause des conditions dans lesquels on les élèvent. Comme le dit la vidéo elle-même :"les porcelets fouillant dans la terre ne sont quasiment jamais carencés.". Mais la quasi-totalité des cochons ne voient jamais un morceau de terre à fouiller.

Dans la vidéo, en introduction à la séquence un peu pénible où l'on nous montre la castration d'un porcelet, le commentaire nous rappelle que "la castration d'un porcelet mâle est réalisée afin d'éviter le risque de mauvaise odeur de la viande à la cuisson", et on nous montre alors un plat de saucisses. C'est comme si on voulait justifier alors les images un peu pénibles de l'opération de castration qui suivent. On retrouve bien ici l'idée spéciste qu'un intérêt tout de même assez mineur de l'humain, "éviter le risque de mauvaise odeur de la viande à la cuisson", compte plus que l'intérêt de l'animal à ne pas être mutilé, sans anesthésie de surcroît. Cela ne prête même pas à discussion, cela paraît même une évidence.

[Pour télécharger cette vidéo (format MPEG de 122Mo de 5 minutes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

Extrait du commentaire qui accompagne les images de la vidéo :

"Des soins sont nécessaires à la naissance.

La coupe des dents, en général 24 heures après la naissance. Il faut épointer deux dents par demi-machoire, afin d'éviter les blessures aux tétines lors de la tété. On peut utiliser une pince coupe-dents, ou même un pince d'électricien. Mais il faut prendre garde de ne pas abîmer la langue et les gencives. […]."

"Le raccourcissement de la queue a lieu un jour après la naissance, ou au moment de la castration. La pince d'électricien est fréquemment utilisée, notamment pour les naissances en plein air, mais son usage provoque souvent de petits saignements, et donc un risque d'infection. Les coupe-queues thermiques, à gaz ou électriques, permettent de couper tout en cautérisant."

 

"On réalise une injection intra-musculaire de 2 millilitres d'une solution injectable de fer [... L'objectif est la prévention de la crise des 3 semaines […]. On notera que les naisseurs en plein-air se dispensent presque toujours des injections de fer, car les porcelets fouillant dans la terre ne sont quasiment jamais carencés."

 

"La castration d'un porcelet mâle est réalisée afin d'éviter le risque de mauvaise odeur de la viande à la cuisson."

 

 

" Pour castrer un porcelet, il faut attraper calmement et avec délicatesse le porcelet, puis le contenir, mettre en évidence le testicule en le remontant avec le majeur, puis le maintenir en place en le faisant saillir sous la peau tendue. Inciser verticalement sur 2cm avec la partie arrondie de la lame. Faire sortir le testicule par pression, et bien dégager avec les doigts le cordon noyé dans les tissus. Sectionner le canal déférent et les vaisseaux sanguins au bistouri, désinfecter les plaies avec la bombe désinfectante."

 

 

Au moment de la castration, vous avez entendu le porcelet hurler. En conséquence, dans les magazines pour éleveurs, où l'on trouve des catalogues de vente de coupes-queues électriques, d'appareils à castrer, et autres meuleuses de dents, on y trouve aussi des casques à se mettre sur les oreilles, comme des casques pour chantiers bruyants, pour ne pas souffrir du bruit des hurlements des porcelets.

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Dans l'article "Bruit, poussières, moral…préservez votre santé" du numéro 88 de novembre 2002 de 'Réussir Porc', page 20, il nous est en effet indiqué : "Première source de pénibilité en porcherie: le bruit. […] Les castrations génèrent environ 94 décibels". Ici ce n'est pas le bruit généré par des machines, mais par les cris du porcelet. Le spécialiste nous "recommande donc le port de protections individuelles : casques, bouchons d'oreilles...". Pour régler le problème des hurlements du porcelets au moment de la castration, au lieu d'envisager simplement d'arrêter de les mutiler, la solution retenue c'est simplement de se boucher les oreilles.

Pour ceux qui pensent que ces pratiques sont cruelles, et qui seraient tentés de dire que les personnes qui le font sont elles-mêmes cruelles, je veux leur dire qu'ils se trompent, que ce serait plus simple si effectivement ces personnes étaient cruelles, mais, pour connaître des éleveurs personnellement, je peux assurer qu'ils ne font pas cela parce qu'ils sont cruels, mais simplement parce que ce sont des pratiques généralisées dans la profession, que tout le monde le fait, et que tout le monde trouve cela normal.

Dans l'article cité plus haut, "Le travail dans l'élevage industriel des porcs" de Jocelyne Porcher, page 43, un éleveur nous expose la pression de la concurrence à laquelle il est soumis, qui le pousse à toujours plus de productivité : "cette pression économique est insupportable pour l'éleveur et pour l'animal. Pour l'éleveur c'est augmenter les quantités de travail, essayer d'être de plus en plus productif, compétitif et d'être au top dans les résultats, pour être au top dans les résultats, il faut que l'animal il chie du cochon au maximum […] ça veut dire qu'on est coincé à les mettre dans des systèmes où on va les serrer, on va essayer d'en faire le maximum, aujourd'hui les bâtiments sont bondés, donc l'animal il est pas bien, mais économiquement c'est encore la solution pour que l'éleveur il arrive à croûter."

Tout le monde trouve cela normal parce que nous vivons dans une société spéciste, et qu'en conséquence cette souffrance infligée à ces milliards d'individus animaux chaque année ne compte pour rien face à l'intérêt qu'en retire l'humain : que ce soit l'éleveur qui en retire un bénéfice économique, c'est-à-dire son gagne-pain, ou que ce soit le consommateur qui aura le plaisir de manger un morceau de viande, et si possible au moindre coût et au meilleur goût.

Pour revenir à la vidéo, nous avons vu qu'un des soins faits aux animaux consiste à pratiquer des injections. A ce sujet, un des problèmes à surveiller, surtout avec des animaux qui peuvent être stressés et bouger au même moment, c'est de ne pas casser l'aiguille en faisant l'injection. C'est illustré par cette publicité pour une nouvelle aiguille qui est détectable au niveau des abattoirs au cas où elle se serait cassée dans la peau de l'animal.

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On voit que, dans cette publicité, le problème n'est pas de prévenir l'éventuelle douleur que cela cause à l'animal, mais l'objectif est uniquement que le morceau d'aiguille ne se retrouve pas dans la viande. Ceci est bien logique dans un mode de pensée spéciste. Et c'est plus qu'apparent dans la phrase "Chaque aiguille cassée et restée dans la viande est une de trop". On casse une aiguille dans le corps de l'animal, vivant, mais c'est en fait dans la viande que l'on considère que l'aiguille est plantée. L'animal est déjà de la viande.

 

Les médicaments

Pour faire grossir les animaux encore plus vite, une autre action possible est de leur donner des médicaments. Voici à ce sujet un extrait d'un reportage de décembre 2002, "Les prochains scandales alimentaires", diffusé dans l'émission "90 minutes" sur Canal+.

 

[Pour télécharger cette vidéo (format MPEG de 153Mo de 5 minutes environ) : cliquer sur ce lien avec le bouton droit de la souris, puis choisir "Enregistrer la cible sous"]

 

Extrait du commentaire qui accompagne les images de la vidéo :

"[…] on a voulu enquêter sur la filière des animaux d'élevages industriels […]. On s'est aperçu que ces animaux n'étaient plus tout à fait considérés comme des êtres vivants, mais plutôt comme des produits qu'il faut rentabiliser au maximum. […] On les fait grossir de manière un peu artificielle, en les couvrants de médicaments, d'antibiotiques, et même parfois d'hormones pour culturistes. […]

Elevages de volailles concentrationnaires, veaux shootés aux anabolisants, animaux maintenus en vie artificiellement sous antibiotiques, l'industrie de la production alimentaire continue plus que jamais sa course folle vers les rendements maximums.[…] Plus que jamais l'animal est devenu une marchandise, un produit, et rien d'autre. Derrière nos assiettes, derrière ce morceau de viande, il y a des animaux que l'on immobilise, des porcelets auxquels on coupe les dents pour ne pas blesser les truies qui perdraient de leur valeur marchande. Il devient rare le temps où les animaux étaient élevés en plein air. […] Derrière nos assiettes, il y a surtout un univers opaque, celui de la grosse industrie alimentaire, où l'on tient à rester discret. […]

Le professeur Gilbert Mouton est chef du service physique-chimie à l'école vétérinaire de Maison Alfort. […] «les élevages industriels ont entraîné, de par leur conception même, une surmédicalisation, et une surmédication. En effet, pour que ces animaux puissent rester en vie dans certains cas, et puisse avoir une croissance maximale, on a joué avec les antibiotiques, de manière totalement inadmissible

Autrement dit, pour que les animaux puissent supporter leurs conditions d'élevage, enfermés 24 heures sur 24 dans des espaces plus que réduits, on les bourre de médicaments. Sinon, au moindre problème, c'est l'épidémie.

Pour nous faire une idée concrète, petite visite guidée chez un oiseau rare :  Michel est éleveur de dindes industriel, il est dégoûté par son propre métier, et a décider d'arrêter l'élevage intensif.

«-Il y a 25.000 dindons dedans.
-Et pourquoi ça sent mauvais comme cela ?
-Ben parce que l'accumulation de merde, au bout d'un moment… En gros on en met 7 à 8 au mètre carré.
-C'est beaucoup, non ?
-C'est normal, c'est ce qu'on met normalement.
-Et est-ce que ça risque pas de contracter des maladies quand il y a des animaux qui sont serrés comme cela ?
-Naturellement, dans ce genre d'élevage, plus les bêtes sont concentrées, plus les risques de maladie sont importants. C'est clair. On a bon être bon techniquement, il suffit qu' un bête ou quelques bêtes tombent malades, tout le monde tombe malade. […]
-Quand vous mangez de la dinde dans un restaurant, c'est cela.
»"

 

La génétique

En plus d'optimiser le logement de l'animal, l'éclairage artificiel, la nourriture, les médicaments, une autre façon d'améliorer la machine à produire consiste à jouer sur la génétique de l'animal. On peut ainsi aller encore plus loin pour optimiser les résultats. L'optimisation par la génétique, ce n'est pas nouveau, cela se pratique depuis que l'homme a domestiqué des animaux, puisque les animaux domestiqués ont été progressivement sélectionnés génétiquement, par des moyens traditionnels, pour aboutir à des animaux qui portent des déformations par rapport à ce qui serait convenable à leur bien-être.

Nous avons vu que les truies étaient enfermées dans de minuscules cages dans lesquelles elles ne peuvent même pas se retourner, mais que des associations de défense animale avaient obtenu au niveau européen que la durée pendant laquelle elles seront ainsi enfermées sera drastiquement réduite d'ici une dizaine d'années. Elles resteront cependant enfermées en particulier dans la période où elles allaitent les porcelet, période qu'on fait durer environ 3 semaines. Elles resteront enfermées pendant cette période parce qu'elles sont devenues tellement grosses par sélection génétique depuis longtemps par la domestication, que quand elles bougent un peu, elles risquent d'écraser un porcelet, ce qui n'était certainement pas le cas auparavant lorsque les cochons avaient encore une taille disons "naturelle".

Maintenant évidemment avec la zootechnie et les moyens modernes de sélection génétique, et divers instituts de recherche comme l'INRA qui travaillent sur le sujet, on est capable d'aller beaucoup plus loin. Des nouveaux cochons sont donc conçus de manière à optimiser au mieux la production de viande.

Ces nouveaux cochons, avec des nouvelles caractéristiques génétiques qui les rendent plus performants, sont lancés sur le marché comme des nouveaux produits. Ainsi quand un nouveau modèle de cochon est lancé par une entreprise de génétique (le terme "modèle" ce n'est pas moi qui l'utilise, c'est le terme utilisé dans la profession), il y a une conférence de presse, la presse professionnelle est invitée pour en faire des articles, il y a des démonstrations, un banquet, etc. Ce n'est pas très différent du lancement d'un nouveau modèle de voiture.

Parmi les caractéristiques des nouveaux modèles de porc qui sont proposés sur le marché aujourd'hui, il y a un exemple un peu surprenant avec le nombre de tétines des truies. Il y a un nouveau modèle de truie qui a deux tétines de plus que la précédente. Ce modèle de truie est avantageux car il permet d'avoir deux porcelets de plus par truie, et donc cela augmente tous les ratios de production. Citons par exemple 'Réussir Porc' numéro 92 de mars 2003, page 28 : "En vingt ans, la sélection [génétique] a permis de gagner en moyenne près de trois porcelets par portée et 130 à 200 g/j de GMQ en engraissement [le GMQ c'est le Gain Moyen Quotidien, la quantité de poids qui est prise chaque jour, c'est ce qu'on essaye évidemment de maximiser]. […] la mortinatalité a aussi augmenté dans cette période […]. le nombre de tétines a augmenté de manière significative : +2 en 21 ans. […] si bien qu'aujourd'hui le nombre de tétines excède toujours de 2,6 en moyenne le nombre de porcelets à allaiter." Ou 'Porc Magazine' numéro 366 de mai 2003 page 74, au sujet du nouveau modèle de truie appelé 'Youna' de la société 'Gène Plus' : " 'Gène Plus' lance Youna. […] Un produit au top de la génétique porcine. […] Dévoilée le 24 mars. […] désormais disponible en France, en Espagne et au Québec. La Youna est l'aboutissement de dix années de réflexion et de travail. […] Arrive à point nommé : au moment où […] la main-d'œuvre salarié de plus en plus présente dans les élevages exige des animaux pas seulement productifs mais facile à conduire […] Avec une à deux tétines en plus […] elle est capable de sevrer tous les porcelets qu'elle fait naître et d'obtenir des portées lourdes et régulières". Le responsable marketing de cette entreprise est donc optimiste : "Les premières cochettes parentales Youna sont disponibles depuis avril. […] Nous prévoyons de commercialiser 5.000 à 7.000 Youna en 2003, puis de progresser régulièrement de + 10.000 animaux par an."

Sur un exemple comme cela, je ne vois rien de choquant pour la truie d'avoir deux tétines de plus, je ne pense pas que cela la dérange particulièrement, donc je ne dis pas que là il y a un problème en soi. Je dis juste que c'est représentatif de la vision de l'animal comme une machine. Ce qui, en soi, n'est pas non plus un problème, le problème c'est quand c'est uniquement une vision en terme de machine, et qu'on oublie qu'il y a un être sensible derrière ces rangées de tétines. Ainsi, comme ce qu'on cherche à maximiser par la génétique ce n'est pas seulement le nombre de tétines, mais aussi la quantité de viande produite en le minimum de temps, et que de nouveau on oublie qu'il y a un être sensible derrière cette machine à viande, alors les conséquences ne sont pas bonne pour l'individu en question.

Toujours dans le livre à l'intention des étudiants en élevage de cochons cité tout à l'heure, 'Manipulation et interventions en élevages porcins', page 43: "la sélection génétique des animaux sur des critères tels que la vitesse de croissance et le développement musculaire à un age donné, s'accompagne d'une charge pondérale de plus en plus importante sur un squelette de plus en plus immature, d'autant plus que l'on a tendance à limiter les teneurs en phosphore, minéral coûteux". Et on voit sur les illustrations toutes sortes de déformations des os des porcs, qui sont certainement douloureuses, du moins je l'imagine en ayant moi-même une dans le dos.

Dans 'Porc Magazine' numéro 359 d'octobre 2002, page 93 : "Les boiteries sont, après les problèmes de reproduction, la deuxième cause de réforme des truies.". Une truie réformée c'est une truie que l'on envoie à l'abattoir parce qu'elle ne donne plus satisfaction pour la production. "La sélection [génétique] sur la vitesse de croissance a aggravé la situation […]. Certaines lignées qui ont des membres fins suite à une sélection tendant à réduire le rapport os/viande de la carcasse, peuvent être enclines aux problèmes d'aplomb". Et bien sûr, ce qui motive à s'intéresser à ce problème de déformations osseuses, ce n'est pas l'impact sur le bien-être des truies, mais l'impact sur la rentabilité : "Le calcul suggère que en réduisant de seulement d'un quart les réformes précoces pour boiteries, on améliore la marge brut par truie de 9%. Les boiteries se traduisent pas une augmentation des coûts de remplacement".

Les animaux ont maintenant un corps qui devient tellement gros en tellement peu de temps, que c'est un problème aussi pour le cœur : il est connu que les cochons meurent facilement de crise cardiaque lorsqu'ils sont dans une situation de stress, dans un camion qui les transportent par exemple. Ceci est expliqué notamment par le fait que leur cœur est devenu trop faible pour le volume du corps, et que lorsque le cœur est trop sollicité, il ne peut plus suivre.

Si vous regardez le guide ORSOL, le guide des fournisseurs dans le domaine de l'élevage de cochons, vous avez notamment les fournisseurs de modèles de verrats, les reproducteurs. On lit par exemple sur cette publicité page 47 : "avec DUCCA" c'est " décuplez vos performances, plus 33,30F, par [porc] charcutier, faites vous comptes, qui dit mieux" "Combien allez-vous gagnez en plus avec votre charcutier issu du Ducca ?".

Ou alors, page 39, avec cet autre modèle de porc, on nous promet 16.279€ avec un GMQ engraissement standard de 826g/j, grâce à la truie GTTT qui, grâce à sa génétique améliorée, a donc obtenu une amélioration de 51g par rapport à la moyenne.

Page 35 :

 

Pour conclure sur la génétique, je précise que tout ce que nous avons vu c'était sans parler de manipulations génétiques directes par insertion de gènes dans l'ADN, manipulations qui sont encore assez rares et expérimentales pour les animaux d'élevage, mais qui ne tarderont certainement pas à permettre la création de nouvelles machines à produire de la viande encore plus performantes. Au détriment des intérêts des individus animaux concernés lorsque cela est fait avec des idées et des objectifs spécistes.

 

Le mythe "les animaux sont bien traités car c'est l'intérêt de celui qui les exploite"

Je pense qu'après cet aperçu de la manière dont les animaux sont utilisés dans notre société, nous devons dire quelque mots du mythe selon lequel la personne qui utilise un animal aurait les mêmes intérêts que l'animal. Que ce qui est bon pour l'homme, est bon pour l'animal, et réciproquement.

Appliqué au cas concret des animaux d'élevage, ce mythe nous dit que l'intérêt de l'éleveur et du consommateur de viande est identique à celui de l'animal : "un animal heureux est un animal qui est bon à manger ".

Comme cela est dit dans 'Porc Magazine' de février 2001, page 71 : "Nous partons du postulat que l'éleveur ne va pas martyriser ses animaux dans la mesure où il serait sanctionné à l'abattoir si la viande n'est pas bonne. Et nous sommes parfaitement conscient que si l'animal a été maltraité la qualité de sa viande sera dégradée".  

Cette idée est une rationalisation que nous avons développée pour éviter de culpabiliser, en tant qu'éleveur tout comme en tant que consommateur de viande, et qui est intelligemment entretenue par le marketing de la viande.

Maintenant que nous avons vu comment, pour améliorer la qualité de la viande de porc par exemple, les animaux sont castrés sans anesthésie, nous avons du mal à croire que le monde est aussi bien fait qu'on veut bien nous le faire croire. Quel est l'intérêt de l'animal à ce que sa chair soit bonne à manger ? Son intérêt est au contraire que sa chair ne soit pas bonne à manger, pour qu'il ne soit pas élevé et tué dans cet objectif dans les conditions que nous avons vu.

Pour prendre une analogie avec le monde de l'entreprise justement, penser que l'éleveur et le consommateur de viande ont les même intérêts que les animaux est aussi naïf que de penser qu'un employeur et le client de l'entreprise ont toujours les mêmes intérêts que l'employé, et que donc l'employeur et le client, en défendant leurs intérêts, défendent nécessairement ceux de l'employé. Certains des intérêts de l'employeur, du client et de l'employé sont effectivement communs, mais d'autres sont absolument opposés. Il en va de même pour les animaux.


Suite de cette présentation : Partie 5 - Tuer un animal est-il un meurtre ?