Plan de la partie 2 :
Retour vers le plan général
Nous venons de voir que l'espèce, le fait de ne pas être un humain, a toutes les caractéristiques d'un critère arbitraire.
Une autre question se pose alors : si ce n'est pas le fait
d'être un humain qui fait que les intérêts d'un individu doivent véritablement
compter, quelle est alors la caractéristique qui importe ? N'y a t'il plus de
limite et doit-on aussi se préoccuper des intérêts d'une pierre comme de ceux
d'un homme ?
Lorsque l'on s'interroge sur les intérêts, les besoins,
des individus impactés par une décision que l'on va prendre, le fait qu'un
individu donné ait telle ou telle couleur de peau, ou telle ou telle apparence
physique n'est pas une raison pour accorder plus ou moins d'importance à ses
intérêts et besoins. Ce qui compte c'est de savoir comment il sera affecté
par ce que l'on va faire, est-ce que cela va changer quelque chose pour lui,
est-ce bénéfique ou néfaste pour lui ?
On voit que toutes ces questions supposent donc que cet
individu ressente quelque chose de ce qui lui arrive. S'il ne ressent rien de ce
qui lui arrive, on ne voit pas bien ce que cela change pour lui que l'on fasse
une chose ou une autre. Par contre s'il ressent ce qui lui arrive, s'il se sent
mieux ou moins bien en fonction de ce que l'on fait, alors on doit le prendre en
compte.
Et il n'y a pas de raison de moins le prendre en compte
parce que l'individu en question a une apparence physique différente de nous,
parce qu'il est d'une autre race, ou parce qu'il est d'une autre espèce.
Cela est bien résumé dans une citation assez connue du philosophe anglais Jeremy Bentham, qui disait (dans son 'Introduction to the Principles of Morals and Legislation') au début du 19ème siècle :
"Le jour viendra peut-être où le reste de la création
animale obtiendra ces droits que seule la main de la tyrannie a pu lui refuser.
Les Français ont déjà réalisé que la peau foncée n'est pas une raison pour
abandonner sans recours un être humain aux caprices d'un persécuteur. Peut-être
finira-t'on par s'apercevoir que le nombre de jambes, la pilosité de la peau ou
l'extrémité de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes
d'abandonner une créature sensible au même sort. Un cheval adulte ou un chien
est, de loin, beaucoup plus rationnel et communicatif qu'un bébé humain d'un
jour, d'une semaine et même d'un mois. Mais, même si ce n'était pas le cas,
qu'est-ce cela changerait ? La question n'est pas: peuvent-ils raisonner ? Ni:
peuvent-ils parler ? Mais surtout: peuvent-ils souffrir ?"
On va donc maintenant regarder d'un peu plus près ce que cela veut dire que de non seulement souffrir comme le disait cette citation, mais plus généralement ressentir quelque chose. Cela nous amène à la notion d'être sensible.
11 / 26 - Le critère de la sensibilité
"Etre sensible" : le problème du mot
"sensible", c'est qu'il est connoté. "Sensible",
cela veut aussi dire "pleurer pour un
rien". Ce qu'il
faut comprendre, c'est que "sensible", dans notre contexte, cela veut
dire simplement qu'on ressent des choses, qu'on peut sentir la douleur, ou alors
se sentir bien, ou être inconfortable, avoir envie de bouger et ne pas pouvoir
le faire, se sentir frustré, angoissé, etc.. Dans ce sens, Hitler, au
contraire d'un caillou, est un être
sensible, parce que s'il marche sur un caillou pointu, cela lui fait mal, alors
que le caillou n'est pas un être sensible, parce qu'il n'a pas mal lorsqu'on
lui marche dessus.
Au sujet de la question de la sensibilité, il faut voir
tout de suite que cela n'est pas du tout ou rien, qu'il y a certainement des
grandes différences entre les animaux. Entre un chimpanzé et un homard, ce
n'est certainement pas la même chose. On peut se poser la question de savoir si
les mollusques, ou les insectes, ressentent quelque chose ; les études en cours
sur ces sujets là laissent beaucoup de portes ouvertes.
Par exemple si on regarde une araignée qui a été
immobile pendant des heures sur sa toile, sans rien faire, sans bouger, au
moment où une mouche vient s'échouer sur la toile, que la toile remue, à ce
moment précis, dans l'araignée, dans ses neurones, il y a sans aucune doute
des mécanismes physico-chimiques qui vont provoquer les mouvements des pattes
et la faire se diriger vers l'origine du mouvement dans la toile. Mais qu'est-ce
qui nous dit qu'il y a, ou qu'il n'y a pas aussi à cet instant quelque chose
qui se produit dans son "mental" quelque part, quelque chose dont on
peut dire qu'il est ressentit, quelque chose qui est peut-être à la limite de l'existant,
qui n'existe peut-être presque pas, qui possiblement apparaît puis disparaît
immédiatement comme une flammèche évanescente, mais quelque chose quand même
qui est ressenti. Ou au contraire une araignée est-elle purement une machine, un
simple assemblage de mécanique qui ne peut rien ressentir ? On n'en sait rien,
on n'en sait fichtre rien, je ne sais pas si on en saura quelque chose un jour,
mais la question reste posée.
Par contre pour un chien, lorsqu'on lui donne un coup de
pied, que le chien gémit et part en courant, et que trois jours plus tard il
nous regarde avec des gros yeux en grognant quand on croise son chemin de
nouveau : celui qui pense que le chien n'a rien senti de notre coup de pieds,
on peut se demander pourquoi nous aurions plus de raison de penser que quand on
donne un coup de pied à cette personne-là, qu'elle gémit, qu'elle part en
courant, et que trois jours plus tard elle nous regarde avec de drôles de yeux,
pourquoi nous aurions là alors beaucoup plus de raison de penser que elle, au
contraire du chien, a eu mal pour de vrai.
D'autant plus que par des études au niveau hormonal, cérébral
aussi aujourd'hui, comportemental certainement, on voit des similitudes très
fortes entre les réactions physiques et physiologiques à la douleur entre les
espèces.
Ce qui fait que l’on a souvent tendance à penser que
l’animal n’a pas d’émotion quand il lui arrive quelque chose et qu’il réagit,
c’est qu’on se dit que son comportement est réglé par ses instincts, comme
si il se comportait en robot. Mais il n’y a pas de rapport entre les deux : on
peut très bien avoir un comportement instinctif, et ressentir une très forte
émotion. Prenons le cas où on recule parce qu’on voit un danger, par exemple
lorsqu'on commence à traverser une rue et qu'on voit subitement une voiture
arriver à toute allure. Alors on s’arrête net et recule d'un pas, par instinct, sans réfléchir,
et en même temps on ressent une très forte émotion de peur, plutôt pénible
à ressentir. Ou pour le comportement sexuel : ce n’est pas parce que notre
comportement sexuel est très déterminé par l’instinct qu'on ne ressent pas
des émotions…
Il n'y a pas de raison de penser que c'est différent pour
un animal. Il peut tout à fait voir son comportement dirigé par un processus inconscient, et en même temps ressentir une vive émotion.
Il faut aussi comprendre qu'un être sensible ce n'est pas seulement un être qui réagit à la douleur physique. Un être sensible c'est aussi un individu qui peut souffrir d'autre chose que de torture physique. Ce sont des êtres qui ont, qui peuvent avoir, sur tous les domaines qui sont listés ici, des besoins, donc aussi des intérêts, des préférences :
que ce soit au niveau de leur vie corporelle : c'est bien sûr le besoin de se nourrir et de boire, qui génère beaucoup de souffrance s'il ne peut pas être réalisé, mais c'est aussi le besoin de se reposer ; ou au contraire le besoin de bouger qui peut-être est frustré si on est enfermé dans une cage ; ou de ne pas avoir trop chaud ou trop froid, …
au niveau de leur vie émotionnelle : avoir peur, ou se sentir bien, en sécurité, être joyeux, …
au niveau de leur vie intellectuelle : avoir quelque chose à faire, ne pas être dans l'ennui sans possibilité de s'occuper, d'explorer, …
au niveau de leur vie relationnelle : avoir besoin des autres, se sentir en état de manque du fait d'être séparé de son groupe ou d'êtres proches, par exemple pour un mammifère, comme nous, de séparer un enfant de sa mère et l'élever privé de toute attention, relation, chaleur, etc. et sans cela devenir déprimés, tristes, au point même d’en être malade physiquement.
Aujourd'hui, il n'y a plus aucun doute que tout cela,
d'autres animaux que des humains peuvent le ressentir.
Remarquons que nuire à un être sensible, humain ou non,
ce n’est pas seulement faire quelque chose qui le fait se sentir mal sur le
coup. Cela peut aussi consister à faire quelque chose qui n’est pas dans son
intérêt. Ce qui revient à faire quelque chose qui va le faire se sentir moins
bien plus tard.
Prenons par exemple le cas d'un animal que l'on gave de
nourriture pour qu’il produise plus de viande. Cela peut lui nuire parce que
sur le coup ça le fait souffrir que d’ingurgiter plus qu’il ne peut digérer,
il peut se sentir mal, fatigué, vomir, etc. Mais, même si sur le coup il
n’en souffrait pas, le fait de devenir bien trop lourd par rapport à sa
morphologie, cela peut aussi être très préjudiciable à son bien-être, au
point qu’il a du mal à se déplacer, du mal à se coucher de manière
confortable, que tous ses mouvements deviennent plus difficile, sa respiration
aussi, que cela l’empêche
de jouer avec ses congénères, etc..
Je prend l'exemple d'un animal d'élevage volontairement. Parce que ce qu’on disait pour le chien, que c’est un être sensible, qu'il peut souffrir, c’est évidemment aussi le cas pour les animaux qu'on utilise dans le monde de l'élevage. Ce n’est pas parce qu’on a décidé qu’on voulait domestiquer les cochons pour les manger que subitement ils ont perdus toutes leurs caractéristiques en dehors de celles qui sont utiles pour qu’ils produisent du jambon.
Pour illustrer ce que cela peut signifier de dire qu'un
animal d'élevage est un être sensible, je vais prendre quelques exemples
issus de la littérature de l'élevage, de revues comme 'Réussir Porc', ou
comme 'Filières Avicoles'. Inutile de préciser
que ces revues, ce n'est pas le bulletin de la PMAF (une association de défense
des animaux d'élevage), ce sont des revues pour éleveurs, pour qu'ils
s'informent des nouveaux développements dans leur domaine, essentiellement pour
optimiser la production. Donc ce qui est écrit dans ces revues, cela peut
difficilement être soupçonné d'être biaisé dans le sens d'exagérer les intérêts
des animaux.
Je cite un article du numéro de février 2001 de 'Porc
Magazine', page 47 et suivantes : " Les truies sont fondamentalement des
animaux sociaux […]. A l’état sauvage, les truies vivent en petit
groupe et dorment les unes contre les autres dans des nids communs[…]. Lors
du sevrage des porcelets en plein air, dès que vous avez enlevé la truie, les
porcelets sortent des limites du parc pour trouver la truie et ils passeront les
clôtures alors qu’ils ne l’ont jamais fait en présence de la mère […]."
Un éleveur de cochons en plein air nous dit : "J'ai vu des charcutiers [dans
ce cas là il s'agit des animaux destinés à la charcuterie] élevés en
plein air ne pas manger pendant 24 heures simplement parce qu’on avait enlevé
un cochon du lot, et les autres le cherchent".
Un plus loin, page 62, ils parlent du problème des cochons
qui n'ont rien à faire, qui donc s'énervent entre eux, un petit peu comme
quand on enferme des enfants dans un pièce et qu'ils s'ennuient, qu'ils finissent par se
chamailler, se taper dessus. Cela montre bien que les besoins des cochons ne sont
pas réduits à simplement boire et manger. Donc la solution, dit un chercheur,
c'est : "installer des jeux dans la case des porcs, pour satisfaire leur
besoin d’exploration […].Spontanément, on pourrait penser que de
simples chaînes métalliques, des cordes, un ballon ou un pneu pourraient
suffire à contenter les porcs. C’est vrai à court terme, mais peu efficace
dans la durée. […] les porcs charcutiers se désintéressent
relativement vite des objets trop simples."
On parle là d'animaux dont on savait déjà qu'ils nous
ressemblent un peu, qui ressemblent à des animaux familiers, qu'eux-mêmes on
connaît bien, dont on sait qu'ils souffrent. Mais des animaux qui nous sont
moins familiers, comme les poissons, aussi peuvent souffrir même si nous en sommes moins conscients. J'aime bien la citation attribuée (à tort ?) à Louis de Funès, qui disait
qu'il avait arrêté de pêcher lorsqu'il avait compris que le poisson,
lorsqu'il pend hors de l'eau, sans pouvoir respirer, accroché à un hameçon qui lui
transperce la bouche, il ne se tord pas de rire, mais de douleur.
Ce qu'on dit des animaux que l'on mange, c'est vrai aussi
des autres animaux que l'on utilise. Rappelons que les souris par exemple sont
aussi des être sensibles. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles
sont utilisées dans des expériences dans les laboratoires, pour étudier leur
comportement face la douleur par exemple. Et même plus généralement une bonne
partie des expériences avec les souris sont basées justement sur le fait
qu'elle peuvent souffrir et avoir du plaisir, puisque c'est exactement en
utilisant cette capacité là qu'on les contraint à faire des choses (pour éviter
la douleur par exemple) qu'elles n'auraient pas envie de faire spontanément.
Le fait qu'un animal, un être sensible, ait de multiples dimensions comme on vient de l'évoquer, cela se retrouve tout simplement dans les activités des animaux, comme pour celles des humains. Estiva Reus écrivait ainsi avec humour que « Les animaux passent très peu de temps à songer à l'accouplement (sauf certains Humains...), puisqu'ils sont tenus à des périodes de reproduction assez limitées. Manger n'est pas non plus une préoccupation permanente (sauf chez beaucoup d'Humains...). Les animaux passent beaucoup de temps à dormir, somnoler, se toiletter, prendre des bains de sable, de soleil, de rosée ou de pluie, à se déplacer, à planer (les rapaces, j'entends...), à chanter, à élever leurs petits, à construire des abris, des nids, à se gratter, se lécher, à regarder passer les trains, à jouer, à rêver ou rêvasser, à fouiner ; et il me semble évident qu'ils éprouvent des sensations, de plaisir, de surprise, d'agrément, de curiosité, de bien-être, de satisfaction, au fil de ces activités… »
12 / 26 - Coupure radicale homme/animal ?
La coupure radicale homme/animal, on vient de voir qu'elle
n'est pas fondée au niveau de la sensibilité, c'est-à-dire que d'autres
animaux sont aussi, comme nous humains, des êtres sensibles. Et cette coupure
radicale homme/animal, est effectivement aussi sans fondement scientifique
depuis Darwin. On a parfois l'impression que Darwin, c'est un peu comme le
moment où on a compris que la Terre tournait autour du Soleil et pas l'inverse.
Cela a mis du temps à s'établir dans les esprits, certainement parce qu'on se
plaisait à se croire très central, unique, dans l'Univers, et puis Copernic,
comme Darwin, cela nous rend un petit peu moins central et unique. C'est un
petit peu dur de s'y habituer, mais ça vient doucement.
Là où la continuité entre les autres espèces animales et notre propre espèce est la plus visible, c'est évidemment entre nous et les grands singes (les chimpanzés, bonobos, orang-outang, gorilles). Pour l'illustrer concrètement voici quelques extraits d'un DVD sur Koko, une femelle gorille d'une trentaine d'années qui vit dans un centre de recherche en Californie, et à qui on a appris à parler le langage des signes, le langage des sourds-muet américains. En regardant ces images, je pense qu'il faut soi-même avoir une vie mentale assez pauvre pour ne pas voir que cette femelle gorille est un individu, avec une histoire, une personnalité, un caractère, et une vie mentale, émotionnelle, relationnelle, intellectuelle et culturelle même, riche. En tout cas, s'il fallait absolument faire des hiérarchies, certainement aussi riche que celle d'un enfant humain âgé de plusieurs années.
[La page http://ali.apple.com/ali_sites/ali/exhibits/1000790/Koko_Signs.html
présente quelques séquences filmées semblables à celle du
DVD présenté ; d'autres vidéos sont disponibles sur www.koko.org]
Comme nous l'avons dit, le fait qu'il n'y a pas de coupure
radicale entre l'espèce humaine et les autres animaux n'est évidemment que la
conséquence logique de l'évolution des espèces.
A ce sujet, pour ceux qui ne l'ont pas déjà vu lorsqu'il
a été diffusé à la télévision début 2003 sur France 3, je conseille le
film "L'Odyssée de l'espèce". Au travers d'images de fiction sur la
vie de nos ancêtres, il illustre très bien la continuité entre les humains et
les autres animaux. Le commentaire du film est lui-même un peu obsédé par la
recherche absurde d'un commencement, d'un hypothétique premier homme, mais cela
ne retire rien à l'intérêt du film.
Bien sûr, le fait qu'il y ait continuité entre les espèces,
cela ne veut pas dire que toutes les espèces sont identiques. Il est évident
à l’œil nu que les espèces ont développé des capacités très différentes
les une des autres. Les chauves souris de voler à l'aide d'un sonar par
exemple. Et bien évidemment l’homme aussi a développé des
capacités, en particulier cérébrales, technologiques, sociales, culturelles,
de langage très complexes.
Mais la question est de savoir si ces différences sont pertinentes éthiquement. On peut constater par exemple que l'Homme a atteint des sommets dans les arts ou les sciences par exemple, constater qu'aucun animal n'est capable de composer la Neuvième Symphonie de Beethoven ou de construire une fusée pour aller sur la Lune. C'est un fait. Mais qu'est-ce que cela a de pertinent éthiquement ? Le fait qu'un homme, vous ou moi par exemple, soit incapable de composer une telle symphonie ou de construire une fusée, autorise t'il celui qui a ces capacités de nous traiter selon son bon vouloir ? de nous utiliser comme des esclaves ?
Nous faisons donc des distinctions, de manière très habituelle, qui sont non-pertinentes éthiquement. Pour certains cela va être la distinction entre l'Homme et la Nature. Une autre distinction possible, c'est entre le vivant et le non-vivant.
Respecter les êtres sensibles, c'est autre chose que de
"respecter la Nature et la Vie", mais cela n'empêche pas à priori
aussi de "respecter la Nature" ou de "respecter la Vie".
Mais si l'intérêt que l'on prête à un objet naturel ou d'un être vivant
non-sensible vient contre celui de l'intérêt de l'être sensible, c'est évidemment
l'intérêt de l'être sensible qui seul a validité. Par exemple si un lièvre
se casse une patte en tombant dans un trou dans un forêt et qu'il souffre et
peut à peine se déplacer, il est difficile de soutenir qu'il est éthique de
le laisser agoniser là parce que ce qui lui est arrivé le lui est arrivé
naturellement, et qu'il faut respecter la Nature ; c'est un être sensible qui souffre, que l'on
doit donc secourir si on le peut.
D'un certain point de vue, la distinction homme-animal qui
est la base de tellement de nos façons de penser, comportements, règlements, est assez absurde si l'on considère que l'on met ainsi
le chimpanzé dans la même catégorie que l’huître, et l’homme à part
dans une autre catégorie, alors que le chimpanzé, sur tous les plans, a plus
en commun avec l’homme qu’avec l’huître.
Donc la distinction qui est pertinente éthiquement, c'est celle entre êtres sensibles et non-sensibles. Il y a donc des animaux pour lesquels nous avons toutes raisons de penser qu'ils ne sont pas des êtres sensibles. Ce statut à mi-chemin de l'animal entre l'être sensible et non-sensible, à la fois dans la réalité mais aussi dans nos idées, on le retrouve aussi sur le flou qu'il y a actuellement au niveau juridique sur le statut de l'animal. En fait la vraie bonne solution qui est en train d'émerger, et je pense que c'est une évolution très fondamentale, c'est que la notion d'être sensible elle-même soit reconnue dans la loi, comme c'est déjà le cas dans le traité d'Amsterdam ou dans la constitution allemande.
Suite de cette présentation : Partie 3 - La pensée spéciste